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Les prémisses d’une dérive ? PAR PAPA MOCTAR SELANE Le Général de brigade Souleymane Kandé est, en réalité, « victime » des derniers décrets de Macky Sall. Avant de partir, l’ancien président a abrogé le décret n°80-1004 du 3 octobre 1980 fixant le statut particulier et définissant la mission des Attachés militaires auprès des Ambassades à l’étranger. Il a été remplacé par le décret n°2024-873, fixant le statut particulier et définissant la mission des Attachés de Défense et de Sécurité auprès des Ambassades à l’étranger, pris le 29 mars 2024. Ledit décret dispose en son article premier : « Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de défense, il est créé auprès de certaines représentations diplomatiques sénégalaises et conformément à l’organigramme-type des postes diplomatiques, une Mission militaire permanente placée sous l’autorité d’un officier général ou supérieur des Forces armées, chef de Mission militaire.

L’officier chef de Mission militaire prend l’appellation « d’Attaché de Défense et de Sécurité » près l’Ambassade du Sénégal au pays d’accréditation ».

Au-delà de la supposée légalité de l’affectation du Général Kandé, des interrogations s’imposent sur le plan politique, militaire et diplomatique.

Pour les derniers décrets pris par Macky Sall, pourquoi Bassirou Diomaye Faye a décidé d’abroger certains et d’en conserver d’autres ? Si on estime que l’ancien Président était dans « l’illégalité totale » au moment de la prise de certains décrets, la raison voudrait que tous les actes posés entre le 24 mars et le 1er avril 2024 soient purement et simplement abrogés. Pourquoi faire un tri dans un tas de décrets jugés illégaux ?

Sur le plan militaire, cette affectation demeure une intrigue. Pourquoi envoyer le Général Kandé en Inde comme « cobaye » des nouveaux Attachés de Défense et de Sécurité ? Quel acte aurait-il commis pour bénéficier de cette affectation-sanction ? Paye-t-il les frais de son courage et de sa détermination dans les opérations de démantèlement des bases rebelles en Casamance débutées en 2021 ? Le Général Kandé est-il victime de ses responsabilités militaires entre 2022 et 2024 en tant que Chef d’état-major de l’Armée de terre et coordonnateur des Forces spéciales ? En tout cas, cette décision est loin d’être anodine.

L’autre énigme, c’est l’Inde. Quatrième puissance militaire du fait de son effectif et du processus de modernisation de ses équipements, l’armée indienne n’est pas pour autant performante dans la gestion de ses crises internes comme externes. Durant plusieurs décennies, elle a du mal à dicter sa « force » au Pakistan dans l’éternelle équation du Cachemire. Dans le passé, deux principaux principes rythmaient la cadence de cette armée : laïcité et neutralité politique. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, l’armée indienne n’est plus la même et œuvre désormais dans la promotion du « Hindu Rashtra » (nation fondée sur la religion hindoue) prôné par l’actuel Premier ministre. Certains officiers, pour entrer dans les grâces du pouvoir, sont en phase aujourd’hui avec ce maudit plan de Modi. Qu’est-ce que le Général Kandé va apprendre d’une armée qui défend une religion au détriment d’autres ? Ou bien le Général Kandé va s’initier aux méthodes de délaïcisation de l’armée sénégalaise en tant qu’Attaché de Défense et de Sécurité ? C’est curieusement en vogue avec le sinistre projet de construction d’une mosquée au palais de la République. Sur le plan de la discipline et du respect des principes républicains, l’Armée sénégalaise n’a rien à envier à l’armée de Modi ou d’une autre puissance militaire.

Officier actif, non encore dans la réserve, le Général Kandé a encore son expérience et son expertise à partager avec les différents commandements de l’armée sénégalaise après ses hauts faits d’armes dans la crise en Casamance et surtout dans ce contexte où l’Afrique de l’Ouest nage encore dans une instabilité quasi permanente parce que coincée entre le marteau des terroristes et l’enclume des régimes putschistes.

La gouvernance de Diomaye doit être lisible et les limites clairement définies pour savoir qui fait quoi et qui tire les ficelles dans l’ombre. Vouloir imposer un duo à la tête de l’Etat renforce l’opacité dans la prise de certaines décisions. Et certains esprits mal intentionnés peuvent profiter de ce flou institutionnel pour procéder à des règlements de compte politiques susceptibles de déstabiliser les fondements de l’unité nationale. Hier c’était une mosquée au Palais, aujourd’hui le début d’une politisation de l’institution militaire, demain on apprendra sûrement à gérer les conséquences fâcheuses de l’effondrement de deux symboles de la solidité républicaine et de la cohésion nationale de notre pays.