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Ngoufa Fall Kane sur la reddition des comptes : «Les rapports des corps de contrôle ne doivent pas servir de levier à des fins politiques»

https://www.rewmi.com Expert-financier et ancien Inspecteur général d’Etat, Ngouda Fall Kane a livré ses vérités sur la finalité des rapports issus des différents corps de contrôle. Il refuse toute politisation de ces documents. Il était l’invité du Grand oral sur Rewmi Fm. 

Financièrement comment se porte le Sénégal ?

Je dis qu’au plan financier, il n’y pas de grand soucis. Les charges sont payées comme les salaires, la dette aussi. Il existe des pays qui restent des mois sans payer les salaires des fonctionnaires. Ce qui n’est pas le cas ici. Il y a un déphasage entre les charges de l’Etat et les capacités de financement. Mais il y a une gestion pertinente du budget et on s’en sort.

Quelle est votre appréciation du dernier rapport de la cour des comptes et de ses recommandations?

Je l’ai lu et c’est comme tous les autres. Je ne vois pas la particularité par rapport aux autres. C’est un rapport administratif et financier. Il y a eu des constats sur des fautes de gestion et qui méritent d’être portées à l’intention des autorités. La seule nouveauté est la publication. Il y a des exigences de bonne gouvernance. On évolue vers la publication des rapports aussi pour être en phase avec les Partenaires techniques et financiers (PTF) surtout pour la Covid. On en parle certes mais moi ce que je déplore, c’est la politisation excessive. Il y a des procédures aussi car la cour des comptes est compétente pour les fautes de gestion et le ministère de la justice pour faire ouvrir une information judiciaire pour les recommandations qui vont dans ce sens. Le procureur dans ce domaine est maître des poursuites et il apprécie. L’ouverture d’information judiciaire ne prouve pas que la personne est coupable hein. Il faut arrêter car c’est juste une enquête avec la présomption d’innocence. Au plan administratif, la personne s’est défendue car quand la Cour des comptes fait son rapport, c’est  qu’il y a eu le principe du contradictoire avec l’intéressé qui donne son point de vue. Quand c’est pertinent, la cour corrige et aménage la recommandation. Il y en a qui n’ont pas pu justifier aussi, c’est vrai. J’ai aimé la position du gouvernement. Quand le Président dit que les dispositions réglementaires et législatives seront mises en œuvre en ce qui concerne les recommandations, c’est le respect de la loi organique aussi. Cela revient au ministère de la Justice de le faire.

En parlant de politisation, faites-vous allusion au rassemblement de la Société civile ou la séance d’explication du gouvernement ?

Ce qu’il faut, c’est d’attendre la suite judicaire réservée à cette affaire. Quand les autorités disent avoir transmis, mais j’attends de voir. Mais on manifeste, à quelle fin ? Pour ses arrestations ou des recommandations ?

Ce qui est contesté, ce sont les suites à donner aux rapports !

Non cela ne peut pas être le cas. Pour la 1iere fois qu’un rapport est publié les partenaires ne vont pas laisser passer. L’état a l’obligation de donner une suite aux recommandations de cette cour. Elle a demandé l’ouverture d’informations judiciaires.

L’autre souci, c’est la poursuite de seconds couteaux dont les Dage etc. alors qu’il y a des ordonnateurs de dépenses…

Non, les gens ne peuvent pas être à la place de la Cour. Soit on lui fait confiance, soit on le lui fait pas confiance. Quand elle dit que ce type qui est fautif alors il faut savoir le pourquoi. Le Dage doit apporter des preuves mais il ne faut pas dire qu’ils doivent être arrêtés ou punis. Des personnes ont fauté mais il faut appliquer les recommandations et on verra ce que cela va donner. On n’apprécie pas un rapport ainsi.

Un autre rapport fait grand bruit avec Aminata Touré épinglée pour deux milliards à la tête du CESE ?

Je n’ai aucune appréciation. Les Sénégalais ont-ils vu le rapport ? Il faut être prudent sur cela aussi. Il y a des rapports faits et c’est la première fois. L’Inspection Général d’état n’a pas le pouvoir de qualifier une infraction encore moins la Cour des comptes d’ailleurs. Ce sont des soupçons dégagés et il appartient à l’autorité judicaire de faire le travail. On ne doit pas mettre dans les journaux de telles accusations et jeter l’opprobre sur une personne. Encore une fois, les rapports des corps de contrôle ne doivent pas servir de levier à des fins politiques. C’est très grave. C’est une tendance mais je le maintiens car on ne doit pas utiliser les armes de la bonne gouvernance pour des préoccupations d’ordre politique. C’est grave. D’ailleurs cela va à l’encontre de la Bonne gouvernance car les bailleurs sont exigeants là-dessus. Les autorités ne doivent pas les politiser, ces rapports.

Aminata Touré n’a pas dit non ! Mais juste un communiqué pour se défendre ! Elle exige la comparution d’autres et convoque l’affaire des fondes thaïlandais…

Ce n’est pas la démarche car si elle le dit c’est de la politique. C’est un communiqué politique et à la place j’aurai demandé à ce qu’on l’on publie le rapport. Demander une audience publique, c’est de la politique. Elle parle des fonds thaïlandais et des chantiers de Thiès mais ce n’est pas la bonne démarche. Il faut éviter des dérapages. Sa position est politique. Elle doit répondre et demander la publication du rapport.

Au regard de tout cela, on a apparemment du mal à lutter contre la corruption au Sénégal

Je suis d’accord et il y a des failles dans le système. Des organes ont des missions d’enquête mais au bout de 15 ans d’existence, il faut faire un bilan et tout revoir. Est-ce que ces structures répondent aux enjeux actuels ? Mais il faut le faire et voir l’efficacité d’institutions comme la Centif, l’Ofnac etc. Il faut apporter des corrections allant dans le cadre de la sanction. Il faut lever le fait que le procureur demeure directeur des poursuites. C’est un élément de taille car il est le seul à prêcher et sous tutelle de l’exécutif. Il faut écarter le ministère public de l’appréciation des faits de corruption et permettre au Procureur de transmettre immédiatement au juge d’instruction dans le cadre de la lutte le blanchiment de capitaux. Il n’y a pas de dialogue entre les différentes structures chargées de lutter contre ces maux-la et la criminalité financière. J’aurai suggéré de mettre une commission de réflexion pour améliorer les dispositions. Dans un rapport de l’Ofnac on peut voir les éléments similaires et qui se rapprochent d’un point. Il faut le faire et voir ce qui ne marche pas. Mais il faut un audit organisationnel pour voir si les mesures sont pertinentes. Il faut une approche externe. C’est de volonté politique. L’Etat doit prendre la responsabilité d’écarter le procureur des poursuites et que le Procureur transmette le rapport à un juge d’instruction.

On a fait des effort certes mais il y a aussi la politisation avec le régime qui protège ses proches

Il y a cet aspect mais vous savez que c’est un fait pas spécifique au Sénégal. Les pratiques sont là mais ici tout est politique. Toute action qui est prise et les décisions sont politiques et c’est grave. On a besoin de manger et de la sécurité. Tout est cher et des priorités sont là. On ne peut pas vivre de cela. Il faut respirer aussi et il faut qu’on arrête.

Avec ces hausses annoncées, comment appréciez- vous la gestion de ces crises que le monde traverse ?

Vous savez, il y a des facteurs endogènes mais il y a des facteurs qui sont exogènes et vous savez que l’énergie pose énormément de problèmes dans des pays. Les défis énergétiques, sécuritaires et de la mondialisation sont là et il faut y faire face. En ce qui concerne l’économie mondiale, des éléments nous échappent aussi. Mais il peut y avoir des approches et des mesures de correction pour sauvegarder quelque chose. C’est le cas de la France. Mais le carburant est cher de même que le super. Mais on espère avec l’économie du Pétrole que les choses changent.

Alors avec cette exploitation future du pétrole et du gaz, redoutez-vous des risques de corruption?

Les gens attendent le pétrole depuis des années et on ne permettra pas des dérapages dans la gestion. Il faudra des garde-fous et verrouiller tout pour la bonne gestion de la ressource pétrolière. On attend le pétrole depuis des années. Mais c’est le moment de voir le dispositif de lutte contre la corruption et l’améliorer . Il faut un ministère chargé de la bonne gouvernance et avec sous sa coupe tous les organes de lutte aussi en ce sens. Il y a des réformes à faire pour éviter certains dérapages. Les gens n’accepteront pas et on a espoir que les ressources vont améliorer les conditions de vie des populations et l’emploi des jeunes etc.

On parle d’opacité dans les contrats. L’espoir est-il permis par rapport aux recettes ?

Je vais attention avec les affirmations fortuites. Ça ne marche pas. Il faut des preuves aussi de ce que l’on avance. Ce qu’il faut, c’est de dire la vérité aux gens. Il y a des choses qui sont aux antipodes de la bonne gouvernance mais il faut le dire. Il faut publier les contrats et on doit aller vers la transparence et nous sommes suivis de près. Le rapport de la Cour des comptes c’est une exigence aussi des PTF et on évolue vers cela. Je l’ai dit dans un livre. Que les déclarations de patrimoine se fassent etc. avec un contrôle citoyen. Des pratiques qui sont là et il faut encourager les lanceurs d’alertes partout et les protéger et sensibiliser les uns et les autres. La sensibilisation pose problème. Il faut sensibiliser et prévenir. Que les gens connaissent les impacts négatifs sur une économie. Pourquoi tout un folklore pour cela. C’est anormal. Il faut intégrer dans le système de lutte aussi les écoles de formation. Les grandes écoles doivent le faire et pousser les étudiants à s’approprier les instruments de lu5te contre la corruption. J’ai échangé tout récemment avec des étudiants en Master sur l’approche de lutte contre la corruption et que les gens puissent savoir. Il faut de la prévention.

L’Etat a-t-il la volonté de lutter contre la corruption ?

Il y a eu la volonté de créer l’Ofnac mais il faut aussi que cette volonté se traduise sur les actes. Il y a la Centif, l’Ige qui existent et luttent contre la criminalité financière. Il faut quand même que l’Etat fasse un geste pour plus de volonté à le aider en terme d’indépendance ces organes dans leur mission. On va vers une économie pétrolière et que ces organes soient plus indépendants, sinon ce seront les travers.

Il y a l’interdiction de manifester de l’opposition par le préfet. Peut-on parler de limitation des droits légaux à s’opposer ?

La liberté de manifester est constitutionnelle. Je pose la question de savoir le pourquoi. A la place j’aurai suggéré de les laisser manifester car vous savez il y a des actions qui donnent plus d’aura à l’opposition. Il faut les encadrer aussi, sans casses. Et pourquoi pas une zone délimitée sinon ce seront les rapports de forces. Je dis que si j’étais à la place du pouvoir je les aurai laissés manifester et avec des éléments de sécurité. Mais, que les gens réfléchissent aussi sur l’opportunité de manifester. Les citoyens ont d’autres priorités. Les gens font le focus sur la faim et la sécurité. Mais bloquer les rues etc. ce n’est pas normal.

Un rapport du Royaume Unis mettait en garde le Sénégal avec les risques de blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

J’ai dit qu’il faut que la grande Bretagne qu’est ciblée comme un pays qui favorise la criminalité financière, nous dise quels sont les critères sur lesquels elle se base pour mettre le pays sur liste rouge. La liste anglaise n’est pas une liste internationalement reconnue. J’ai connu la liste des Nations-Unies, celle des Usa et qui suivent le financement du terrorisme, mais celle anglaise c’est apparue récemment. Elle n’est pas indiquée sur des questions de ce genre. Et l’Etat devrait réagir car ces rapports ont un impact très négatif. Ce pays ne peut pas être aussi nous black-lister comme ça. Les effets négatifs sont dangereux sur l’économie. Je récuse cette position du Royaume Unis aussi. Le financement du terrorisme, on le voit plus en Europe aussi. Mais nous black-lister, c’est dangereux.

Sur le 3e mandat, que peut- on retenir ?

J’ai une position claire là-dessus. J’ai dit que la compréhension du texte c’est que juridiquement Macky peut se représenter pour 5 ans. Je peux me tromper mais le dernier mot revient au Conseil constitutionnel qui va valider ou pas. Il faut que les juristes arrêtent de nous amuser. Des uns pour et d’autres contre ; il faut attendre la décision du Conseil constitutionnel. Il faut arrêter de nous amuser aussi avec ces prises de positions contradictoires. Aujourd’hui, si Macky disait qu’il ne va pas se présenter mais vous pensez que ce pays sera gouvernable ?MOMAR CISSÉ