Droits de vote pour Khalifa et Karim : «L’amnistie n’est pas la voie constitutionnelle» Par Bacary Domingo Mané
par mamadouly4435 | Oct 3, 2022 | Contributions |
Droits de vote pour Khalifa et Karim : «L’amnistie n’est pas la voie constitutionnelle» Par Bacary Domingo Mané
La question de l’amnistie agitée par le pouvoir pour permettre à Khalifa Sall et Karim Wade de recouvrer leurs droits de vote est une très mauvaise piste. C’est la position de Bacary Domingo Mané, accroché par Senego. L’analyste politique met aussi le curseur sur la mauvaise gouvernance du Président Macky Sall prêt à embastiller ses opposants les plus charismatiques.
Faut-il passer par l’amnistie pour que Khalifa et Karim recouvrent leurs droits civiques?
Le Code électoral en son article L 29 et L30, règle la question, si réellement si ce qui est dit dans le communiqué du Conseil des ministres vise à permettre à Khalifa Sall et à Karim Wade de recouvrer leur droit de vote, on n’a pas besoin de passer par la voie de l’amnistie.
Ce qui risquerait de se passer si on adopte cette position, puisqu’on amnistie les faits, et non les personnes, d’autres Sénégalais qui se retrouveraient dans le même cas de figure vont bénéficier de la mesure. Or, nous avons besoin d’un pays où on fait de la gestion transparente une exigeante. S on est inscrit dans cette voie, je ne pense pas que l’amnistie soit la voie royale pour régler la question.
Faut le rappeler, Khalifa Sall et Karim Wade n’ont jamais perdu leurs droits de vote. Pour qu’ils les perdent, il fallait qu’un juge prononce une peine complémentaire, et cela n’a jamais été le cas.
Que faut-il faire pour régler la question ?
Si nous nous voulons régler la question du droit de vote de Khalifa Sall et de Karim Wade, il faut retoucher les articles L29 et L30 pour qu’ils recouvrent définitivement leurs droits civiques, sinon, ce que je crains, derrière ce projet d’amnistie, qu’il ait des visées inavouées qui consistera à protéger tel ou tel individu, et c’est le Sénégal qui en pâtit. On ‘a pas besoin de cela, aujourd’hui, nous devons nous inscrire, à commencer par le président de la République, dans la gestion transparente. Et, il appartiendra à la justice de faire son travail pour ceux qui sont soupçonnés d’avoir pris des deniers publics, dans la mesure où l’amnistie efface les faits. Donc, cela aurait suffit simplement de retoucher les articles L29 et L30 pour régler la question de Khalifa Sall et de Karim Wade.
Je pense que les députés de l’opposition certainement ne laisseront pas passer cet état de fait, puis qu’ils auront la possibilité, au nom du peuple, de faire valoir leurs points de vue pour la gestion des deniers publics.
Et si tant est que le Président Sall parvienne à faire passer la loi aux forceps ?
Karim Wade demande à ce qu’on révise son procès, je pense qu’on doit aller dans ce sens là. Les droits de Karim Wade et de Khalifa Sall n’ont pas été respectés dans le cadre de leur procès. Je pense qu’il est temps, puisque nous sommes dans un régime démocratique, qu’on aille dans le sens d’une transparence qui créera les conditions d’un apaisement. Si par un coup de force, le président de la République parvient à faire passer la loi de l’amnistie, ce ne sera une bonne chose pour le pays, puisque l’objectif visé est de faire en sorte que ces deux recouvrent leurs droits de vote, qu’ils n’ont jamais perdu d’ailleurs. Une fois de plus, la voie royale n’est pas l’amnistie, ce n’est pas une bonne chose, parce qu’on craint des intérêts inavoués, que le président de la République passe par ce canal pour protéger les siens. Créditant ainsi l’impunité.
Pourtant, le chef de l’Etat qui avait opté pour une gestion vertueuse ?
Le président de la République quand il est arrivé au pouvoir, avait agité la reddition des comptes. Et une liste de vingt responsables libéraux. A l’arrivée, un seul responsable du Pds a été poursuivi, Karim Wade. Des commissions rogatoires ont été envoyées, beaucoup d’argent dépensé pour pouvoir retrouver les biens de Karim Wade. L’un dans l’autre, je pense qu’aujourd’hui, on devait s’acheminer vers la transparence, que les Sénégalais sachent qu’est ce qui a été dépensé et comment ça été dépensé, est ce que l’argent annoncé a été recouvré. Et l’Assemblée nationale devait nous aider à éclairer notre lanterne.
Donc,ce sont des voies et moyens de Macky Sall pour se séparer des leaders politiques ?
Que ce soit Karim Wade ou Khalifa Sall, le président de la République a utilisé ses voies pour se séparer des leaders politiques. Si lui-même a pris cette initiative, avant de revenir pour les amnistier, il y a problème, car il aurait pu nous dispenser de tout cela. Si on avait respecté les principes démocratiques, on n’aurait pas senti aujourd’hui le besoin d’amnistier qui que ce.
Le seul responsable, c’est le président de la République qui a mis le pays dans cette situation, et lui-même veut régler le problème à sa manière. Je ne vois que la voie pressentie soit la bonne piste pour le pays.
A qui profite cette loi d’amnistier ?
Un regard rétrospectif, pour dépoussiérer notre histoire, on se rendra compte que jusqu’ici, le Sénégal n’a enregistré que deux lois d’amnistie, les événements de 1962 avec Senghor, et la loi Ezzan avec Me Wade concernant l’affaire du meurtre de Me Babacar Seye.
A qui profite cette loi d’amnistie ? Au cœur de cette loi d’amnistier, se trouvent les politiques, les Présidents Senghor, Wade… et Sall. C’est comme si les hommes politiques sont en train de se protéger entre eux, de régler des problèmes personnels à travers les lois d’amnistie.
Les chefs d’Etat tirent profit de la justice pour régler des comptes avec leurs adversaires politiques et ensuite reviennent pour montrer qu’ils sont prêts à pardonner.
En dernière analyse, Macky Sall n’a pas besoin de cette loi d’amnistie s’il avait respecté les principes démocratiques. Parce que dans le cadre des procès de Karim Wade et Khalifa Sall, je n’ai pas le sentiment que le droit ait été respecté.
C’est là qu’il fallait commencer si ces procès ont été menés de manière démocratique, si la justice avait pris son indépendance sans qu’elle ne soit influencée par des politiques, peut être aujourd’hui, on n’aura pas besoin d’amnistier qui que ce soit.