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Le Saes tire la sonnette d’alarme sur les maux de l’espace universitaire et annonce un préavis de grève…

https://www.dakaractu.com Après l’élection en Août dernier d’un Bureau National chargé de mettre en œuvre les recommandations issues des différentes commissions, le syndicat autonome de l’enseignement supérieur qui a entamé une tournée nationale du bureau dans les différents campus universitaires, a donné l’occasion aux militants de base de se prononcer sur les maux qui gangrènent l’enseignement supérieur permettant ainsi d’épaissir les résolutions du congrès. À la suite des échanges, le syndicat a formulé des points de revendication saillants concernant toutes les universités publiques sénégalaises. Pour le Saes,  l’heure est grave.  Après avoir privilégié le dialogue à travers une série de rencontres avec des autorités depuis l’élection du bureau national, le Saes, dans l’optique de la défense des intérêts matériels et moraux de ses militants et de sauvegarde de l’enseignement supérieur, exige l’achèvement et l’équipement des infrastructures sociales et pédagogiques dans les différentes universités pour un déroulement des enseignements et apprentissages dans un climat apaisé.

 Le syndicat demande aussi la prise en compte des enseignants-chercheurs et chercheurs des universités dans la revalorisation généralisée des salaires décidée par le président Macky Sall pour soutenir le pouvoir d’achat des agents de l’État dans un environnement marqué par une inflation aiguë.

Toujours dans ses points de revendication, le syndicat autonome de l’enseignement supérieur exhorte le Fonds national de retraite, conformément à la réforme sur la retraite de 2018, à appliquer la pension de reversion aux conjoints ou conjointes des enseignants-chercheurs et chercheurs décédés après avoir servi dignement l’université publique sénégalaise. L’exigence d’un recrutement massif de personnel d’enseignement et de recherche pour améliorer la qualité de l’enseignement supérieur est, selon le Saes, primordial dans le secteur de l’enseignement supérieur. Les syndicalistes demandent d’une part, au ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de procéder à l’envoi rapide des textes de gouvernance de la recherche proposés par la commission technique paritaire depuis avril 2021 aux universités pour avis et observations avant toute validation définitive et, d’autre part, de financer la recherche. La spoliation foncière observée dans les universités dont la dernière en date est celle de l’ESEA pousse le Saes à recommander l’identification, l’élargissement et la sécurisation du domaine universitaire pour se prémunir du manque de scrupule des prédateurs fonciers. L’augmentation substantielle des budgets des universités qui doit, selon le syndicat universitaire, suivre inexorablement la croissance des effectifs d’étudiants pour garantir la qualité de l’activité pédagogique et scientifique nécessitant, par ailleurs, des moyens financiers conséquents. Par ailleurs, le Saes s’offusque du manque de volonté manifeste du ministère de l’enseignement supérieur d’évaluer les réformes initiées dans l’enseignement supérieur (système LMD, orientations des bacheliers, etc…) Le SAES continue d’exiger l’audit technique de la plateforme d’orientation et dénonce depuis 2019 une violation par le MESRI du décret n°2016-1805 relatif à l’orientation des bacheliers. Par conséquent, constatant l’absence de réaction du gouvernement aux multiples appels à la négociation, le Saes invite tous ses militants à rester mobilisés et compte déposer un préavis de grève tout en réaffirmant sa disponibilité à dialoguer pour trouver une solution pacifique aux différents problèmes mentionnés.

’Denis Rolland (historien) : «L’Harmattan» désigne la vocation africaine de cette maison d’édition

Près de 50 000 titres publiés depuis 1975… et parmi ses auteurs, nombreux sont Africains. L’Harmattan fête cette année son 47ème anniversaire. Cette maison d’édition, qui se veut au carrefour des cultures, s’est tournée depuis sa naissance vers l’Afrique et a publié nombre d’auteurs du continent. Des écrivains inconnus mais aussi de grandes plumes, comme le Nigérian Wole Soyinka, premier prix Nobel de littérature africain. À son origine, L’Harmattan avait pour objectif d’accompagner le mouvement tiers-mondiste. L’historien Denis Rolland retrace la genèse de cette maison d’édition à part dans un livre, Histoire de L’Harmattan, genèse d’un éditeur au carrefour des cultures, paru -bien sûr- chez L’Harmattan.

RFI  : Dans ce livre, vous racontez la genèse de cette maison d’édition, née en 1975, vous retracez le parcours de l’un des deux fondateurs, Denis Pryen. C’est un missionnaire qui découvre l’Afrique à partir des années 1960. Première étape, l’Algérie pendant la guerre d’indépendance, puis le Sénégal en 1966. Et ce second séjour, va profondément le changer.  

Oui, il va à l’université de Dakar, qui est une université en ébullition. On dit souvent que mai 1968, à Dakar, c’est en 1967-66. Il découvre les sciences humaines et sociales qui sont elles-mêmes en pleine ébullition à ce moment-là. Et, il va faire du terrain. Et quand on fait du terrain en 1966-67 à la Gueule Tapée donc dans les quartiers de Dakar, on découvre l’Islam d’abord, une autre religion monothéiste, on découvre la polygamie et on découvre d’autres structures de parenté. Et là, effectivement on comprend pourquoi à un moment, sa hiérarchie religieuse lui dit bon, ça suffit l’expérience, vous rentrez en France.

On va faire un petit saut dans le temps. En avril 1975, on y arrive, l’Harmattan, voit le jour. C’est à la fois une maison d’édition, mais aussi une librairie. Denis Pryen se lance dans l’aventure avec un autre prêtre, missionnaire comme lui, Robert Ageneau. Pourquoi déjà avoir choisi ce nom de l’Harmattan ?  

Il voulait s’appeler la librairie des 4 vents et les éditions des 4 vents. Sauf que ce nom était déjà pris, donc ils ont réfléchi ensemble, ils ont décliné les différents vents. Il y en avait qui étaient pris, il y en avait qui n’étaient pas pris, et puis à un moment, ils se sont dit, qu’est-ce qui marque l’Afrique  : l’Harmattan, c’est un vent qui bouscule, c’est un vent qui ennuie. Ce n’est pas un vent nécessairement très agréable d’ailleurs. Ce n’est pas un vent sympathique, mais voilà, c’est un vent qui dérange et donc ça, ça leur a plu. Ils trouvaient que le nom tapait bien, l’Harmattan, et puis que ça désignait bien la vocation africaine de l’édition et de la librairie.

Alors, les deux fondateurs sont tous deux des catholiques engagés à gauche. Ils ont été profondément marqués par la décolonisation, la guerre du Vietnam et mai 1968.  Leur projet, c’est de créer entre Maspero et Présence africaine, une maison d’édition qui aide à penser le tiers monde ?  

Oui, Maspero était déjà à ce moment-là, au moins côté librairie, en difficulté, il était obligé de réduire un peu la voilure. Et ce que voulaient Robert Ageneau et Denis Pryen, c’était une maison d’édition qui ne soit pas dogmatique et qui ne soit pas non plus seulement pour les Africains et qui puisse beaucoup publier. Présence africaine fait et a fait un travail absolument extraordinaire, mais très centré sur les Africains eux-mêmes. Et puis son rythme  était un peu faible pour eux.  De toute façon, il y avait tellement peu de choses sur l’Afrique disponibles en matière de livres, qu’il y avait la place pour un autre éditeur.

C’est, justement ça, l’Harmattan vient combler un manque à cette époque-là, dans le secteur de l’édition.  

Il y avait un manque d’espace pour publier facilement en sciences humaines et sociales. Quand on n’était pas un grand professeur très connu, les portes étaient difficiles à ouvrir, c’était coûteux, c’était compliqué. Et l’Harmattan, va prendre tous les niveaux technologiques à la volée, de manière à publier progressivement de plus en plus, et à publier aussi beaucoup de jeunes auteurs, c’est-à-dire faire vivre la création scientifique, mais aussi la création littéraire sur l’Afrique. L’Harmattan est né de cette nécessité de faire connaître notamment ce monde en cours de décolonisation et les mondes qui ne sont pas encore décolonisés, notamment les outre-mer.

Vous le disiez, la maison va se faire un nom dans le milieu en publiant les textes de personnalités reconnues comme Hocine Aït Ahmed, figure de la lutte de libération en Algérie, en devenant l’éditeur du nigérian Wole Soyinka, le premier prix Nobel de littérature africaine, en soutenant aussi activement les mouvements de décolonisation.  

Oui, y compris ceux qui sont en difficulté en 1974-75. C’est la question du Timor oriental qui les a beaucoup mobilisés à un moment, c’est le combat des sahraouis du Sahara occidental. Et puis à cette époque-là, Robert Ageneau et Denis Pryen et le groupe d’associations qui est autour d’eux, participent aussi de la réflexion sur que ce qu’il faut faire des Outre-mer français, les Antilles, la Guyane, la Réunion … Avec l’idée qu’il faut les conduire vers l’autonomie ou vers l’indépendance.

Malgré le succès en 1980, c’est la rupture entre les deux fondateurs. Robert Ageneau claque la porte et part créer une autre maison d’édition,Karthala,qu’est-ce qui est à l’origine de cette rupture?  

D’abord, un pilotage à 2, c’est toujours un pilotage complexe. C’est très bien pour démarrer une entreprise, mais au bout d’un moment, il y a deux égos, il y a deux conceptions. Et donc c’est presque inévitable. La deuxième raison, c’est que Robert Ageneau a envie de continuer à faire vivre très attentivement l’édition, le faire peu à peu, pas à pas. Denis Pryen, lui, veut aller plus vite, il estime qu’il y a beaucoup de choses à publier. Et donc, c’est cette conception de la rapidité dans la fabrication des livres, du nombre de livres à fabriquer qui va pousser à la rupture. Mais c’est aussi deux conceptions de l’édition, mais deux conceptions complémentaires. La preuve, c’est qu’en 2022, il existe toujours 2 maisons d’édition, l’Harmattan, et Karthala, qui continuent à faire leur travail, notamment au bénéfice des pays du sud.

Si l’Harmattan n’existait pas, il faudrait l’inventer, écrivez-vous, en conclusion de ce livre. Grâce à lui, des milliers d’auteurs ont pu faire publier leur œuvre. C’est ça qui a véritablement fait le succès de l’Harmattan ? 

Oui, je pense que c’est l’une des raisons, à la fois les zones géographiques sur lesquelles beaucoup d’autres éditeurs hésitent à se lancer. Quand on publie de jeunes auteurs, on sait aussi que ça va être compliqué de les diffuser, qu’on va moins vendre. Donc, c’est une voie tracée pour développer les sciences humaines et sociales, la littérature et la critique littéraire d’auteurs qui, au départ, n’ont pas beaucoup de visibilité, notamment en France.

Il sera quand même reproché à l’Harmattan de mal rémunérer ces petits auteurs. Qu’est-ce que l’éditeur répond à cela ?  

Je ne peux pas répondre à la place de Denis Pryen ou de Xavier Pryen, mais oui, on peut reprocher de faire trop, d’éditer trop vite, peut-être de ne pas rémunérer les auteurs. Mais le problème, c’est de faire exister les auteurs et c’est vraiment ça, l’Harmattan, c’est de se dire que quand aujourd’hui, on publie un livre sur le Gabon, sur la RDC, sur le Sénégal ou sur le Burkina, on le fait parce qu’on estime qu’il y a une urgence à moins mal connaître ces pays-là.  Pierre Firtion