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ABDOULAYE ELIMANE KANE FAIT UNE RÉFLEXION PHILOSPOHIQUE SUR SON INFECTION AU CORONAVIRUS

Dakar, 15 sept (APS) – L’ouvrage de l’universitaire Abdoulaye Elimane Kane intitulé ‘’Saarabaa la Covid-19 existe, je l’ai rencontrée’’ offre une réflexion philosophique sur la maladie à coronavirus et par extension sur la vie et la mort, a-t-on appris, mercredi, de son auteur. Le livre de 116 pages sorti en juin 2022 aux éditions Harmattan s’attarde sur l’angoisse des malades, les lieux d’hospitalisation et la prise en charge des malades.

Il se veut également un plaidoyer pour soutenir la santé et offrir une réflexion philosophique sur la maladie, la vie et la mort, renseigne l’auteur lors de la cérémonie de présentation .

’’Ce livre a voulu dès le départ avoir une valeur de témoignage authentique pour dire oui la maladie existe je l’ai rencontrée et contribuer à souligner la complexité de cette maladie et la diversité des modalités de sa manifestation sur des êtres humains’’, a relevé Abdoulaye Elimane Kane. Professeur de philosophie à la retraite, M. Kane dit avoir écrit ce livre sous la forme d’un ’’journal intime’’ dans un souci de fixer d’abord pour mémoire les étapes, les évènements et les faits significatifs de son infection à la Covid-19 suivie de son hospitalisation du 17 février au 17 mars 2021 à l’hôpital ‘’Dalal Diam’’ de Guédiawaye, banlieue dakaroise. ’’Du fait de la singularité de cette infection, je me suis retrouvé en dialogue avec moi-même, en essayant de comprendre ce qui m’est arrivé pour donner un sens aux rapports que j’ai eu avec différents protagonistes de cette affaire notamment le personnel médical et les deux médecins qui m’ont suivi’’, insiste-t-il.

En cela, il a notamment ’’déploré’’ le fait que les arguments politiques et économiques de cette pandémie aient relégué’’au second plan l’aspect sanitaire et humain’’.

’’La santé n’est pas un simple état, elle relève plus du qualitatif que du quantitatif. (…) Ceux ne sont pas des chiffres qu’ils ont à soigner, mais des êtres humains’’ argue l’ancien ministre de la culture et de la communication. Prenant part à la cérémonie de présentation de ce livre, le chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann Moussa Seydi s’est ’’réjoui’’ d’un ouvrage ’’clair, concis et informatif’’ sur ce qui se passe dans les structures de santé. ’’Ces observations du professeur Abdoulaye Elimane Kane sont une invite au personnel de santé à une véritable introspection, à une meilleure prise en compte de la communication dans nos relations médecin-malade’’, a dit le responsable de la prise en charge des malades du Covid-19. Le professeur Seydi s’est également ’’félicité’’ de cet ouvrage venant d’une grande personnalité et qui va contribuer, selon lui, au combat contre la circulation de fausses informations sur la maladie à coronavirus.FKS/SMD

COMMUNICATION DU PR ABDOULAYE ELIMANE KANE

Mesdames , messieurs , Chers amis, parents et collègues et illustres panélistes, Merci d’être venus, par ces temps difficiles et encombrés, dans le contexte d’ une actualité dominée par le Magal de Touba, la mise en place de la 14e législature, l’ attente de la formation du gouvernement, les inondations, le coût de la vie et la guerre en Ukraine et sans doute d’autres urgences. Mes remerciements vont également au Docteur Abdoulaye Diallo , directeur des éditions L’Harmattan-Sénégal qui publie  mes ouvrages et assiste à leur présentation avec une égale courtoisie et marque d’ attention. Mes pensées vont également vers mon ami Charles Becker : depuis bientôt une décennie, il s’est montré d’une disponibilité sans faille pour relire mes manuscrits et effectuer la configuration technique des ouvrages qui en sont issus.

Il m’est également agréable de saluer et remercier deux grands artistes à qui je dois l’ illustration qui figure sur la couverture de Saarabaa , illustration intitulée ANDARY , pour rendre hommage à Ndary Lô, célèbre sculpteur sénégalais créateur de personnages grands et filiformes comparables à  ceux de Giacometti, par exemple   

L’Homme qui marche, sculpture en bronze de l’ artiste italien ,  l’une de ses oeuvres les  plus célèbres qu’on trouve au siège de l’Unesco à Paris. Je veux nommer Viye Diba, artiste plasticien sénégalais bien connu, mainte fois primé pour ses œuvres, notamment ses installations. C’est sur son idée et en s’ inspirent d’un bas-relief figurant des dents de chien à l’entrée de son atelier, que Pape Ba, photographe et éditeur d’ouvrages, a réalisé cette illustration. Il s’agit d’un photomontage représentant un funambule jouant d’une guitare traditionnelle et essayant de traverser un précipice, sur un fil tendu entre deux pics géants figurant des dents de carnassier sur fond de ciel bleu mais nuageux. Le professeur Djibril Samb brillant et bienveillant préfacier de cet ouvrage, a donné dans son texte une contribution substantielle et éclairante sur les questions soulevées par ce témoignage. Autour de cette table, pour contribuer à la présentation de SAARABBA, le professeur Issa Wone vous a présenté des personnalités du monde universitaire et médical connues pour leurs états de services élogieux en raison de leur expérience et de leurs travaux qui font autorité dans leurs domaines respectifs. Le professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses au CHU – Fann de Dakar que l’irruption du nouveau coronavirus, après celle d’Ebola dans le monde et au Sénégal, a propulsé au-devant de la scène . Je le remercie encore d’avoir fait l’effort de caller dans son agenda très chargé, cette échappée pour prendre part à nos échanges de cet après-midi. Le professeur Abdoul Almamy Hane, ancien chef du service de pneumologie du CHU- Fann de Dakar, qui a pris sa retraite dans la fonction publique mais qui n’ en continue pas moins de mettre son expérience au service de ceux qui souffrent ou ont besoin de conseils. C’est lui qui a fait dire un jour à un médecin parisien qui s’adressait à moi : « N’abandonnez ni votre médecin ni le traitement qu’il vous a prescrit ». Je termine cette galerie prestigieuse de portraits par le professeur Issa Wone. Il fait partie de ceux qui, avec les éditions L’Harmattan, m’ ont décidé à faire cette présentation/ dédicace. Et c’est lui qui m’a présenté au professeur Seydi pour les besoins de cette rencontre. Le professeur Seydi , en plus de son accord a pris , discrètement comme à son habitude , une part non négligeable à la préparation de cette cérémonie. Je me réjouis de constater que, Issa, fils de mon regretté cousin, le professeur Ibrahima Wone,  a suivi les pas de son illustre père en choisissant lui aussi une carrière de médecin/enseignant et en manifestant un intérêt particulier pour la santé publique. Ils sont tous très sollicités et leurs responsabilités leur laissent peu de loisir :  j’apprécie qu’ ils aient fait preuve d’ amitié et de générosité pour lire et commenter ce témoignage que je verse dans la corbeille de l’abondante littérature consacrée à l’apparition et à la pandémie due au nouveau Coronavirus.

La pandémie n’est plus l’ épicentre de l’ actualité mais il ne me semble pas décalé de discuter d’ un témoignage sur la Covid 19, même dans un petit livre dont le motif principal est de soutenir qu’il ne faut, sous aucun prétexte, placer la santé au-dessous d’aucune autre priorité.

Mais je dois confesser que ce texte m’a donné bien du fil à retordre. La volonté de le produire a été présente dans mon esprit dès que certains contours de l’épidémie et ses nombreuses conséquences ont été expliqués. Mais je concevais autrement le contenu d’ une telle contribution ,avant d’  être contaminé par le virus sans pour autant avoir commencé à l’ écrire. L’ infection et l’hospitalisation ont complétement changé la donne : écrire sur cette expérience pouvait prendre différentes formes : un roman, une nouvelle, un entretien organisé ou un petit essai. La forme de journal intime a vite pris le dessus pour deux raisons :  le besoin de fixer, pour mémoire, les étapes, événements et faits significatifs de cette expérience,  pour ma gouverne personnelle essentiellement. Du fait de la singularité de cette affection, je me suis trouvé EN DIALOGUE AVEC MOI-MÊME, pour comprendre ce qui m’ est arrivé et donner un sens aux rapports que j’ai eus avec différents protagonistes de cette affaire, notamment le personnel médical. Pour ces deux raisons, j’ai été confronté au dilemme suivant : faut-il le publier ou le garder simplement comme journal personnel ? Au moment de trancher, les avis de quelques personnes dont j’ai mentionné les noms dans la page des remerciements,  m’ont aidé à prendre cette décision. Le désir de partager mes réflexions, impressions et sentiments avec les hommes et femmes du monde médical et ceux et celles qui ont été malades de la Covid -19 a été décisif. Je voudrais à présent m’ arrêter un moment sur les composantes de ce récit de vie qui n’ est pas le premier genre dont je me sois servi puisque, on s’en souvient sans doute, j’ai déjà publié une chronique portant sur l’ asthme dans mon autobiographie intitulée : « Philosophie sauvage. La vie a de longues jambes ».

Ce cas- ci comporte plusieurs aspects qu’on ne trouve pas dans le premier.

l fait l’ objet d’ une publication à part alors que la chronique sur l’ asthme est insérée dans des textes ayant d’ autres objets de réflexion que la maladie. Comme l’ a si brillamment montré le professeur Djibril Samb dans sa préface,  SAARABAA a toutes les caractéristiques d’ un récit : chronologie, descriptions de personnages et de lieux, péripéties et dénouement. Sur ce point je n’ ai pas manqué de noter pour moi-même une question qui pourrait venir à l’ esprit du lecteur et qui est la suivante : était-il  nécessaire de produire ce foisonnement de détails, de portraits d’ hommes et de femmes, d’ événements et de circonstances, de références à ma famille, mon épouse, mes enfants, des parents et des amis quand, ce qui est attendu de l’ auteur, est de parler du virus, de ses manifestations et de l’issue de cette affection sur la personne qui fait ce récit ? Aucun détail n’ est ici, superflus , tous les éléments de la trame de ce récit , même les plus apparemment anodins, anecdotiques ou subjectifs, sont justifiés et ordonnés à une fin principale : faire comprendre comment cette maladie a été vécue par l’ auteur de ce récit et expliquer le type de rapports institués entre protagonistes de ce récit de vie, notamment entre le patient et les médecins. Prenons un exemple : j’ ai longuement décrit la cabine 21 où j’ ai séjourné un mois, le personnel médical qui y venait, la périodicité des visites, et mon voisin de chambre auquel j’ai consacré des paragraphes conséquents. Sans ces maillons, on ne comprendrait pas l’articulation de certains éléments de l’énigme constituée par les positions opposées des deux médecins chargés de mon dossier sur la question de savoir si tel jour je devais sortir de l’hôpital. Sans la présence et les propos innocents de mon voisin de chambre cette contradiction n’apparaitrait pas et une part significative de mes interrogations sur la prise en charge médicale disparaitrait. En science et dans le domaine médical, des divergences d’appréciations ne constituent pas forcément un scandale, ni ne mettent en cause la connaissance scientifique et ses mérites. Souvent, ce sont des faits de cette nature qui font progresser la science. Mais du point de vue du patient qui en est informé cela peut constituer une source d’ angoisse.

J’ ai donc , dès le départ , voulu donner à ce livre, Saarabaa, la Covid19 existe, je l’ai rencontrée, une valeur de témoignage à partager.

Devant la maladie différentes conduites sont possibles et l’on ne peut que respecter et comprendre celle des infectés de la Covid-19 qui n’estiment pas nécessaire de partager cette expérience sous une forme éditoriale ou publique.

Le plus important, en effet, est de recouvrer la santé et de travailler à la préserver.

Dans nos sociétés africaines, sénégalaises en particulier, contrairement à une longue tradition du monde occidental depuis la Renaissance et l’invention de l’imprimerie et du concept d’individu, la publicité d’actes de vie personnelle va souvent à contre- courant d’une certaine éthique de la retenue, de la pudeur, du secret, de l’ésotérisme et de la confidentialité. Ce type d’interrogation a effleuré l’esprit de tout auteur d’une autobiographie. La volonté de témoigner peut absoudre l’auteur en ce que cette pandémie semble être, de toutes celles qui sont connues, la plus dévastatrice et la plus menaçante non seulement pour la vie de chacun mais aussi pour la collectivité, voire la civilisation et même l’humanité. Témoigner, c’est donc contribuer à lutter contre cette maladie en soulignant certains aspects de sa complexité, la diversité des modalités de sa manifestation et pour donner aux autorités sanitaires l’avis des infectés rescapés sur les problèmes de prise en charge médicale. Voici à présent un autre argument pour justifier cette forme de témoignage. Il s’ agit d’un argument philosophique spécifique. Ce qu’ on appelle en philosophie le problème du Mal constitue un des objets usuels de la pensée philosophique : pourquoi le Mal sur Terre ? Est-ce le fait des hommes ou celui d’une puissance qui les dépasse ? De manière plus prosaïque, la violence, la souffrance, la maladie, la mort constituent différentes figures du Mal diversement vécues et interprétées. La maladie et la mort, deux visages du Mal sur Terre, sont perçues à la fois comme logiques dans l’ordre du vivant (notre vulnérabilité et notre finitude) et indésirables dans l’ordre de l’existence.

L’intérêt de ce rappel est d’en arriver à cette idée fondamentale en philosophie : la question du SENS : 

QUEL SENS DONNONS-NOUS A CE QUI EST VECU ? ET, ICI, QUEL SENS DONNONS- NOUS A LA MALADIE ? LA MALADIE FAIT PARTIE DE LA VIE. ETRE MALADE, C’ EST ENCORE ETRE EN VIE ET ESPERER VIVRE PLUS LONGTEMPS. A CONDITION QUE LES MOYENS SOIENT ORDONNES A CETTE FIN ET QU’UNE COMMUNICATION APPROPRIEE PERMETTE AU MALADE DE CONTRIBUER A SA PROPRE GUERISON. Au titre des questions implicites qui se trouvent au cœur de ce témoignage, en voici une qui est révélatrice de l’effet Covid sur la psychologie des populations en général, des patients en particulier. Avec cette hospitalisation ma perception de l’hôpital a brutalement changé. J’ ai été, à plusieurs reprises, hospitalisé pour cause de mal asthmatique. Et l’hôpital m’était jusque-là apparu dans son sens originel d’ hospice – lieu où l’on offre l’hospitalité et le réconfort.

Pour la première fois je me suis montré rétif à cette hospitalisation, suite à cette infection par le nouveau coronavirus.

J’ai exprimé dans ce texte, sous des formes différentes, mon souci et ma volonté d’abord d’éviter d’y entrer, ensuite d’en sortir, en me fondant sur ce que je ressentais à différentes étapes et qui me semblait justifier ce souhait et cette volonté. Pourtant, je sais par expérience que c’est pour leur bien et par nécessité qu’ on admet et retient des patients à l’ hôpital. Malgré les chiffres qui assurent un nombre plus élevé de guérisons que de morts cette nouvelle perception est très certainement due au sentiment d’enferment et d’ incertitude qu’ au cours de cette période la notion d’ hospitalisation a engendré. Ce changement de regard peut expliquer en partie les rapports médecin / patient qui ont caractérisé mes relations avec les deux principaux soignants ayant eu en charge mon dossier. Mais d’autres facteurs s’y sont sans aucun doute, également greffés : le manque de personnel qui ne leur a pas permis d’ être souvent disponibles, la complexité de cette maladie, leurs propres soucis de membres du corps médical exposés et vulnérables comme tout le monde. Ils me pardonneront d’ajouter qu’ils me sont apparus comme ayant une certaine propension à se fier presque exclusivement aux instruments de mesure qui leur permettaient de connaitre l’évolution de mon état de santé. La technologie a rendu d’immenses services à la médecine et à l’humanité et il en sera certainement ainsi et de plus en plus. Mais la santé relève plus du qualitatif que du quantitatif et s’apprécie en termes de RESSENTI DU PATIENT. Pourtant, je ne doute pas un instant de ce que leurs vocation et leur formation les aient préparés à savoir que ce ne sont pas des chiffres qu’ ils ont à soigner mais des êtres de chair et de sang et qui plus est, des êtres humains. Au titre d’autres questions plus explicites, j’ai abondamment brodé sur trois sujets qui reviennent dans mes méditations d’individu aux prises avec une maladie chronique. En m’ inspirant d’un adage de la langue pulaar j’ai insisté, dans ce livre, sur la primauté de la santé par rapport à toutes les raisons d’ordre économique et tous les  arguments de décision et d’orientation des politiques publiques qui ont eu, à un moment ou à un autre, à ne pas prendre un compte suffisant de la santé. Celal woni afo ngalu : « La santé est l’article premier de la prospérité » dit cet adage.

 Je me suis employé à montrer que les traductions littérales et non littérales de cette expression renvoient à deux visions opposées des questions de priorité :

–       d’un côté, la traduction littérale – « La santé est fille ainée de la prospérité »- peut être exploitée ,  utilisée , détournée de son sens véritable , par une conception de type techno-économique, principalement soucieuse de rentabilité et de profits, conception qui a conduit aux difficultés et aux traumatismes révélées par cette pandémie ; –       de l’autre, la traduction non littérale , « La santé est l’ article premier de la prospérité »,   celle qui correspond à l’esprit de cette parole de sagesse à savoir que la santé est « prospérité » et cette forme de prospérité est  la condition de  toutes les autres. En lisant récemment Jacques Attali, j’ai vu que ce qu’il appelle « économie de la vie » correspond bien à la leçon qu’il demande de tirer des erreurs des sociétés occidentales les plus développées économiquement et qui sont celles qui ont le plus souffert de cette pandémie. Il élève une nouvelle vision du monde et un changement de politiques publiques au rang de nécessité pour passer de la simple survie de l’humanité à une véritable assurance de vie et de prospérité, avec la santé et l’éducation comme piliers de cette nouvelle orientation. L’ hôpital, la santé publique et l’éducation appellent un changement de regard, un autre paradigme si l’on ne veut pas faire sombrer l’économie elle-même et l’humanité avec elle. La question souvent débattue dans la presse du monde occidental, au sein des instances sanitaires internationales ou régionales, l’idée d’une « exception africaine » face à cette pandémie, en termes de nombre d’infectés, d’hospitalisés et de morts, a été abordée dans SAARABAA. N’ayant aucune expertise dans aucun domaine, encore moins dans celui-ci , en attendant de connaitre l’explication scientifique de ce phénomène, je me suis jeté   à l’eau en hasardant une hypothèse tirée d’une sorte d’empirisme naïf : à savoir que, pour le cas du Sénégal, contre toute logique et toute exigence de discipline, c’est la vie sociale, culturelle et religieuse qui pourrait avoir fabriqué une certaine immunité collective. Mais je n’ ai pas oublié que dans  l’histoire de la philosophie on rencontre souvent une forme de ruse avec le sens commun : procédés consistant,  dans un premier temps , à élever ce mode de connaissance à la dignité de bon juge pour, l’instant d’après, le récuser comme aveugle à des réalités plus profondes. Bachelard le rappelle dans sa psychanalyse de l’ esprit scientifique  : « Les intuitions sont bonnes, elles servent à être détruites ». Je suis donc un homme doublement averti pour ce qui est de la valeur de cet argument. Mais c’est l’ explication que la conduite des Sénégalais m’ inspire . La science nous édifiera sur la question. A cet argument à l’emporte-pièce, j’ai ajouté celui que je tiens d’un de mes maitres à l’ université  de Paris, Georges Canguilhem, philosophe et médecin de son état,  connu dans l’histoire contemporaine de l’épistémologie historique pour l’importance qu’il accorde au concept de NORMATIVITE et par extension à celui d’AUTO-NORMATIVITE. Ce concept signifie en gros que la santé n’est pas un état de nature déjà donné dont les écarts par excès ou par défaut sont cause de la maladie. Entre la pathologie et la santé il y a une différence de nature et non de degré. Il n’y a pas en matière de santé une norme statique, universelle et pérenne, valable pour tous les individus et tous les patients face à la maladie. La spontanéité de la vie et la créativité de l’ organisme offrent à ce dernier, face aux pathologies, de tolérer des infractions à la norme habituelle et de créer des normes nouvelles.

« La santé, écrit-il, c’est le luxe de tomber malade et de s’en relever ».

Et pour preuve qu’on ne peut pas la fixer dans des normes immuables, notre philosophe a cet autre aphorisme particulièrement instructif : « Aucune guérison n’est retour à l’innocence biologique ». En extrapolant et en appliquant ce concept d’auto-normativité à ce qu’on appelle « exception africaine », face à la pandémie et en y voyant une explication de son immunité collective relative, je me suis demandé s’ il n’ y a pas , là ,  un motif suffisant pour prêter attention à cette hypothèse. Mais ma conviction demeure que c’est la science qui nous donnera la bonne réponse et que sa réponse ne récusera pas forcément l’idée d’exception africaine. Enfin, dernière question d’intérêt philosophique abordée dans ce livre : le statut épistémologique de la médecine. C’est un biais par lequel on peut faire l’éloge de la médecine. Car d’un bout à l’ autre de ce témoignage, m’appuyant sur mon expérience de néo- hospitalisé et observant ce qui se passe dans le monde depuis l’irruption du nouveau coronavirus, je n’ai eu cesse de faire l’éloge des médecins et de la médecine. Partons encore d’une formule de Canguilhem : « La médecine est un art au carrefour de plusieurs sciences ». Chaque terme de cet aphorisme renvoie à la singularité de cette discipline. Expliciter cela est un exercice délicat qui consiste à tenir ensemble deux exigences : la médecine appartient au monde des sciences mais en tant que technique, il y a dans sa pratique une part d’opacité que la loi scientifique ne peut rendre entièrement transparente et qui ne relève de rien d’ irrationnel ou d’ une quelconque sympathie envers l’obscurantisme. C’est la part d’humanisme qui consiste à traiter le patient en ne se contentant pas de le réduire à un ensemble de chiffres – si utiles et pertinents soient-ils, personne n’en disconvient – mais comme un être humain ainsi que Hippocrate l’a très tôt et constamment recommandé dans sa conception holistique de la médecine. En guise d’illustration, mon collègue, le professeur Djibril Samb, qui a eu la bonté de préfacer ce petit livre, rappelle fort opportunément à la fin de son texte cette recommandation de Hippocrate au médecin : « veiller jusqu’ au parfum qu’il porte, lequel doit être agréable et n’avoir rien de suspect ». Hippocrate, avait, à l’avance, anticipé sur des cas comme le mien, moi qui suis allergique à certains parfums, pas à tous fort heureusement.

Je voudrais terminer cette présentation sur trois notes.

La première est relative au vaccin et à la vaccination et à la nécessité de promouvoir une culture scientifique pour tous. Les audaces d’interprétation sur l’immunité collective et « l’exception africaine » ne m’ont pas fait perdre de vue le caractère impératif d’ une politique et d’une action résolue pour la vaccination universelle. Cette précision relève de ce que nous devons, en même temps que l’humanisme, faire de la culture scientifique et de la croyance en la valeur de la science un des piliers de l’éducation et de l’émancipation. La culture scientifique n’est pas l’affaire d’un jour ou des scientifiques seulement. Elle a besoin de volonté politique, de pédagogies appropriées et de persévérance.  Notamment souligner et prouver que cette culture scientifique n’est pas antinomique d’une croyance et d’une pratique religieuses intelligentes et tout à fait conformes à certaines prescriptions des Écritures saintes. Et à propos de vaccination, pour qu’elle soit universelle, une des conditions à satisfaire est, bien évidemment, que le vaccin soit à la portée de tous.

La deuxième note porte sur SAARABA, titre de l’ ouvrage, concept et facteur psychologique d’ accompagnement de ma rencontre avec la Covid- 19.

Œuvre musicale à la fois célèbre et somptueuse le fait d’avoir écouté différentes interprétations de cet air, à commencer par celle de Samba Diabaré Samb, au moment le plus critique de mon infection, à une heure tardive d’une nuit d’insomnie,  a eu pour conséquence de faire naitre dans mon esprit l’ambiguïté de sa signification alors qu’en dehors de son refrain, je ne savais rien du contenu de cet air, ni son origine ni sa destination. J’ai dit dans le texte que son refrain, Nanu dem saarabaa, nanu ni bi saarabaa,(Allons à Saarabaa, rentrons à Saarabaa)  a eu sur moi l’effet d’un MANTRA au cours de mon hospitalisation avec des sentiments oscillant entre angoisse et confiance. C’est quoi un MANTRA ? Un MANTRA c’est un élément verbal, un mot par exemple, répété mentalement et volontairement, soit dans des exercices à caractère mnémotechnique soit dans d’autres à caractère mystique comme par exemple le ZIKRE. Par ailleurs, chacun a fait l’expérience, après une longue écoute d’un air ou d’une partition musicale, d’avoir continué à percevoir des lambeaux de flonflons, des bribes de sons, longtemps après la cessation des conditions qui en étaient à l’origine. Voire de les fredonner plus ou moins machinalement. Donc, involontairement. Sa persistance et son surgissement à différentes étapes de mon traitement m’ont fait considérer le refrain de SAARABAA comme un MANTRA dont la répétition n’est pas volontaire. Et j’ai consacré la dernière partie de l’ouvrage aux investigations que j’ai menées, après ma sortie d’hôpital , pour les besoins de ce témoignage, afin d’en savoir plus. Le résultat auquel je suis arrivé, avec l’aide des professeurs Lamane Mbaye et Massamba Guèye, me donne tout à fait satisfaction.

SAARABAA symbolisant un lieu mythique, un lieu qui n’existe nulle part mais ayant valeur d’horizon désirable, j’ai interprété  ce refrain  aux allures de mantra  comme une métaphore de la santé.

A savoir, une sorte de paradis perdu quand domine la maladie et la douleur. Ou bien alors l’espoir du retour d’ un « âge d’ or », celui d’avant la maladie et dont on ne s’aperçoit de la valeur de « paradis » relatif qu’après l’avoir perdu. J’en ai fait une deuxième interprétation en extrapolant l’idée de lieu mythique pour souhaiter qu’à la lumière de cette pandémie, et après avoir tiré les leçons de nos errements, imprévoyances, négligences, détournements coupables d’ objectifs, une nouvelle utopie permette à l’humanité d’aller vers un nouvel « âge d’or » où la santé serait la reine des priorités. Voici enfin, une dernière considération ne figurant pas dans l’ouvrage mais induite par les observations faites sur le nombre de cas d’infectés, d’hospitalisés et de décès, ici et dans le monde.   Face aux conséquences désastreuses de cette pandémie qui dure encore et dont on ne connait pas tous les ressorts nos pensées vont vers ceux que nous avons connus et aimés et qui n’ont pas eu la chance que d’autres ont eue. Parmi eux d’illustres personnalités du monde des Arts, des Lettres, de la politique, de la science et d’autres domaines de la vie publique. Mais il y a également ces milliers d’autres victimes de la Covid 19 qui ne sont ni des stars, ni des hommes et des femmes connus, ces milliers d’anonymes pour le grand public mais dont, évidemment, la perte est connue et a été ressentie par leurs proches endeuillés et confrontés aux conséquences d’un tel traumatisme. La raison en est simple : les médias s’adressent aux masses et les masses ont besoin de mythes, événements- choc, personnalités en vue et qui les ont fait rêver,  notamment.

Mais ce fait laisse en creux des réalités plus profondes.

« ETRE, C’ EST ETRE PERCU » : voilà une formule du philosophe idéaliste du 17ème siècle, Berkeley, qui pourrait, interprétée pour les besoins de cette problématique, éclairer la signification de cette différence de perception et les conséquences qui en découlent. Formule fausse en première instance car n’être pas vu n’empêche pas d’exister, le philosophe l’ayant lui-même souligné dans un premier temps. Par exemple, la Tour Eiffel, quand on n’est pas à Paris et en face de cette œuvre monumentale. Par exemple, ce virus dévastateur qu’est la Covid-19 avant le déclenchement de la pandémie à Wuhan en Chine. Mais Formule vraie, en deuxième instance : si personne ne regarde la Tour Eiffel que reste-t-il de sa valeur ? L’image de la ville, les retombées du tourisme et la qualité de la vie culturelle ? De même le virus du Covid-19 existait bel et bien, d’abord non perçu, puis, dans le même élan, s’est révélé à l’humanité tout en causant les dégâts qu’on n’a pas encore fini de dénombrer. Est-on à l’abri d’autres virus inconnus et inaperçus et dont on risquerait de subir les méfaits en même temps qu’ils apparaitraient en pleine lumière ?

Question qui permet de revenir à la formule complète du philosophe anglais : « ETRE C’EST ETRE PERCU OU PERCEVOIR ».

D’ où l’ importance de la recherche scientifique et la nécessité de la doter de moyens conséquents privilégiant ces questions vitales. Formule valable donc par rapport à la question suivante : le nombre de cas positifs aux tests et le nombre de morts recensés dans le monde et dans chaque pays correspond-il au nombre réel de victimes ? Du point de vue statistique, les cas non perçus, par exemple faute d’ instruments de mesure ou d’équipes qualifiées pour en connaitre, sont-ils marginaux ou, au contraire, de nature à montrer que cette pandémie a été plus dévastatrice qu’on ne l’a pensé. Ces oublis, omissions et méconnaissances liées à différents facteurs sont-ils de nature à remettre en cause jusqu’à l’idée « d’exception africaine » ou bien demeurent elles marginales bien que déplorables comme toute perte de vie humaine ? Mesdames, messieurs, chers amis, parents et collègues merci infiniment d’être venus et d’avoir pris part, chacun à sa manière, à ces échanges où nos trois invités de marque, les professeurs de médecine Seydi, Hane et Wone, nous ont aidé à prendre la mesure exacte des questions qu’inspirent l’expérience d’une rencontre avec le Covid-19. Abdoulaye Elimane Kane, professeur titulaire des universités, Ancien ministre.

COMMUNICATION DU PR MOUSSA SEYDI

Notre présence ici, est liée au souhait d’un brillant intellectuel qui nous a fait cet honneur : le Pr Abdoulaye Elimane Kane, qui nous donne l’occasion, par le même biais, de remercier notre ami et collègue, le Pr Issa Wone. Nos sincères remerciements vont également à notre ami et plus que frère, le Colonel Amadou Tidiane Cissé.

A tous les proches et amis présents dans cette salle, je dis merci.

La lecture de l’ouvrage qui nous réunit aujourd’hui peut nous faire affirmer qu’il est clair, concis, informatif de ce qui se passe dans le milieu de la santé ; mais également, il prouve, l’immense respect et la haute considération que le Pr Abdoulaye Elimane Kane adresse aux praticiens de la santé. Je le cite : « pour le reste, je réaffirme ma profonde gratitude et ma grande admiration pour l’abnégation et la compétence du corps médical en général, tous pays confondus, ceux de Dalal Diam en particulier ». Fin de citation. Cependant, certaines observations notées, nous obligent à une véritable introspection et à une meilleure prise en compte de la communication dans la relation médecin-patient. Notre intervention s’articulera autour de questions dont l’auteur a fait mention et de constatations personnelles. Puis, nous donnerons des éléments de réponse à certaines interrogations qu’il soulève en prenant le soin de ne pas taire les mesures anti-Covid, et la communication qui a tant fait défaut entre lui l’auteur en tant que patient et le personnel de santé.

Saraaba, « La Covid, je l’ai rencontrée »

Ce titre simple et clair décrit une réalité que les infox, ces fausses informations, ne peuvent démentir. Nous aussi, la Covid 19, nous l’avons rencontrée. Et des milliers de fois. Non pas comme patient, mais comme médecin ; Nous avons été témoin de trois décès dans une même famille, dans la même semaine ; Nous avons vu des enfants effondrés par la mort, de Covid 19, de leurs ascendants, qu’ils avaient probablement contaminés ; Nous avons vu la Covid 19, entrainer des complications gravissimes et quelques fois mortelles, à type d’accident vasculaire cérébral, d’embolie pulmonaire ou d’insuffisance rénale ; Nous avons vu la Covid 19 entraîner une baisse importante et dangereuse de la saturation en oxygène chez des patients qui se sentaient apparemment bien et qui ne présentaient aucun signe de détresse respiratoire. Ce phénomène est connu sous le nom « d’hypoxie heureuse ». L’auteur pourrait avoir été dans ce cas. Seul son médecin traitant peut confirmer ou infirmer cette hypothèse. Nous avons vu la Covid 19 entrainer des perturbations invalidantes telles que des troubles psychiatriques avec délires et hallucinations, une perte du goût et de l’odorat pendant plus d’un an, une impuissance sexuelle ainsi que des difficultés respiratoires nécessitant une mise sous oxygène pendant plus de 6 mois.

Nous avons vu la Covid 19 créer une angoisse nationale et internationale.

La Covid 19 a bouleversé le monde et les répercussions sanitaires qu’elle implique ne sont pas les seules répercussions qui resteront dans nos mémoires Il ne s’agit pas pour nous, d’aggraver la situation de la pandémie Covid 19 plus qu’elle ne l’est, mais de lui donner l’importance qu’elle mérite. La Covid 19 a tué en moyenne 2 malades sur 100 selon les données recueillies par le ministère de la santé du Sénégal alors qu’ailleurs, une épidémie de maladie à virus EBOLA tue en moyenne 50 patients sur 100. Cependant nous devons éviter la politique de l’autruche en considérant que cette pandémie n’a pas eu de conséquences dramatiques dans le monde et au Sénégal.  Conséquences grandement liées au nombre important de personnes infectées. En effet dans le monde entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021 l’Organisation mondiale de la santé estimait le nombre total de décès associés directement ou indirectement à la pandémie Covid 19 à 14,9 millions. Le nombre de décès directement lié à la Covid 19, sur une période des 12 mois de 2020 était environ de 2.000.000. Si nous considérons ce nombre de 2.000.000 de décès en 12 mois, on constate, au niveau mondial, que la Covid 19 avait tué 3,2 fois plus que le paludisme, (627.000 personnes), 3 fois plus que l’infection à VIH qui avait causé le décès de 650.000 de personnes et 1,3 fois plus que la tuberculose qui en avait tué 1,5 millions de personnes.

C’est donc dire que la Covid 19 mérite bel et bien l’attention qu’on lui porte dans le monde.

L’attention portée à cette maladie est également justifiée au Sénégal puisqu’entre le 2 mars 2020, date de l’apparition du premier cas de Covid 19 au Sénégal et un an après, jour pour jour, le 2 mars 2021, cette maladie avait tué 888 personnes. Le paludisme sur un intervalle de 12 mois en 2019 avait tué 260 personnes et la tuberculose 420 personnes en 2020. Nous observons ainsi au Sénégal, que sur une même période de 12 mois, la Covid 19 avait tué 3,5 fois plus que le paludisme et 2 fois plus que la tuberculose. Il va sans dire que sans la mise au point du vaccin, le nombre de décès serait encore plus élevé. L’efficacité de la vaccination ne fait plus aucun doute d’après les publications scientifiques et nos propres constatations dans la prévention des formes graves qui causent le décès. Au Sénégal, du fait d’une couverture vaccinale plus élevée chez les sujets âgés, nous avions constaté une diminution des formes graves chez ces derniers et une augmentation de ces formes chez les jeunes qui étaient moins enclins à se faire vacciner. Cette remarque a été confortée par les données nationales du MSAS. Des doutes ou même une perplexité ont souvent été évoqués concernant la fiabilité des données. Les chiffres publiés donnent une tendance sur l’évolution de la pandémie. Quoi qu’il en soit aucune lutte contre une pandémie ne saurait être effectuée sans des données épidémiologiques. Notre devoir est de rappeler avec force qu’une pandémie est dynamique et que sa gestion ne saurait être statique. C’est pourquoi, la plupart des mesures d’hier ne sont pas utiles aujourd’hui. A l’heure où nous vous parlons, beaucoup de Sénégalais sont immunisés contre la COVID-19 suite à une vaccination ou suite à une infection.

En effet la prévalence de la Covid 19 au Sénégal était de 89 % en novembre 2021, c’est-à-dire que 9 personnes sur 10 avaient déjà été infectées par le virus responsable de la Covid 19.

Dans ce contexte, il est permis de mettre l’accent sur la vaccination des sujets à risque et du personnel de santé. Ce qui n’exclut pas d’offrir la possibilité d’une vaccination efficace à tous ceux qui le désirent en l’absence de contre-indication. Même si la vaccination de masse peut être prônée, la vaccination ciblée en Afrique est acceptable en ce moment, alors qu’au début, c’était la vaccination de masse qui était indiquée du fait d’une prévalence plus basse de la maladie et d’une nécessité d’obtenir rapidement une immunité collective. De même, il est normal aujourd’hui, d’assouplir certaines mesures préventives comme le port de masque quand on sait que la majorité de la population a déjà été en contact avec le virus sars cov-2 et qu’un vaccin efficace et bien toléré est disponible. Le contexte actuel est très différent du contexte de début qui nécessitait des mesures draconiennes qui, sans elle, la lutte contre la Covid 19 serait un échec patent. Ce sont en grande partie ces mesures, qui avaient fait que le Sénégal fut classé deuxième pays à avoir mieux géré la Covid 19 dans le monde, après la Nouvelle-Zélande. Certains disent que  Les pays appliquent des mesures très différentes pour une même épidémie, qu’il existe des divergences entre scientifiques et que  plusieurs vérités ne peuvent exister en même temps.

En sciences médicales, cela est possible car chaque chercheur ne peut publier que ses constatations même si parfois certaines différences sont dues parfois à des raisons inavouables.

Prenons l’exemple de l’association hydroxychloroquine et azithromycine. Certaines équipes de recherche ont trouvé qu’elle était efficace et bien tolérée et d’autres qu’elle était inefficace et très dangereuse. Au Sénégal une étude faite dans 5 hôpitaux grâce à une collaboration entre l’institut Pasteur de Dakar et le SMIT avait trouvé que cette association était efficace et bien tolérée. Cependant saisissons l’opportunité qui nous est offerte aujourd’hui, pour dire que l’utilisation systématique d’un antibiotique comme l’azihtromycine ou l’amoxicilline associé à l’acide clavulanique n’est pas justifiée dans le cadre de la Covid 19  et ne peut relever que d’une prescription médicale.

Quant à l’association l’azithromycine+hydroxychloroquine, elle a été étudiée avant l’apparition du variant Omicron.

Pour l’heure, nous ne savons pas à si cette association est efficace sur le variant Omicron et sur les nouveaux variants qui se sont révélés par la suite. Cette étude a été menée alors que tous les patients étaient traités à l’hôpital avec la réalisation de plusieurs examens paracliniques dont des électrocardiogrammes interprétés par l’équipe du Pr Abdou Kane, titulaire de la chaire de cardiologie. Actuellement les formes modérées sont traitées à domicile où il est difficile de mener un suivi électrocardiographique correct pour un nombre élevé de patients. Cette étude a été réalisée avant l’apparition de nouveaux médicaments anti Covid 19 plus faciles à administrer qui sont efficaces dans la réduction du risque de survenue d’une Covid 19 sévère chez les patients fragiles. Nous sommes d’ailleurs en train de préparer un projet pour étudier ces produits que sont le monulpiravir et le paxlovid avec le soutien de l’USAID à travers FHI 360. Cette étude ne se fera évidemment que si nous obtenons la validation administrative du MSAS du nouveau protocole de prise en charge incluant ces nouvelles molécules proposées et ensuite après validation scientifique du CNERS. La validation scientifique et éthique d’un comité indépendant comme celui du Sénégal est essentielle car la médecine est avant tout une science. Elle se base sur des sciences et utilise des méthodes scientifiques rigoureusement éprouvées mais la médecine est aussi un art dans le sens technique.

Il y a bien sûr des situations exceptionnelles, urgentes et imprévues dans un contexte particulier durant lesquelles le médecin peut décider d’un traitement en se basant sur des études scientifiques préliminaires ou pilotes.

En tout état de cause, dans l’exercice de son art et de sa science, le médecin doit prendre en compte les différents éléments contenus dans la définition de l’OMS qui   dit que la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Sans communication soutenue, on ne peut pas respecter cette définition de l’OMS, sans échange, sans dialogue, on ne peut pas s’intéresser au bien-être mental et social des patients.

Pr Abdoulaye Elimane Kane, vous avez raison d’attirer notre attention sur le manque de communication entre les praticiens et vous.

C’est vrai que la pression du nombre de malades à prendre en charge, la longueur des procédures à appliquer durant la Covid 19, l’épuisement et l’angoisse du personnel de santé ont pu être des facteurs qui expliquent cette situation sans la rendre acceptable. Le médecin doit communiquer de manière adaptée avec son patient sur le diagnostic retenu, les examens complémentaires demandés et les traitements administrés. L’exemption d’une communication n’est autorisée que si le patient exprime une volonté d’ignorer ce dont il souffre et s’il ne risque pas de transmettre son infection à son entourage. L’auteur en tant que patient avait bien droit à une communication appropriée par rapport à tout ce dont il souffrait et à son isolement surtout après avoir eu des PCR Covid 19 négatives. Avant de terminer nous voudrions appeler à ceux qui liront cet ouvrage de ne pas en profiter pour jeter l’opprobre sur le personnel de santé car l’auteur a fait le contraire.

Nous voudrions aussi dire que ne pas respecter les aspects en lien avec la communication dans la relation médecin-malade, relève de facteurs individuels ou de facteurs comme ceux que j’ai mentionnés plus haut.

Nous sommes convaincus que votre ouvrage poussera beaucoup d’entre nous à faire une véritable introspection et à améliorer leur communication. Pour cette raison, nous vous remercions pour avoir écrit cet ouvrage que tout médecin devrait lire. Mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre aimable attention et vous demande une indulgence pour l’utilisation de termes qui ont paru un peu barbares aux profanes.