Des propositions pour une baisse du cout du loyer Par Alioune SECK
Suite à la récente prise de Parole du Président de la République Mr Macky SALL dont l’essentiel aura porté sur le cout de la vie, il en est ressorti un point capital pour la majeure partie des citoyens :la baisse du cout du loyer.
Je ne pourrai développer sans rappeler qu’en 2014, nous avions déjà eu une loi, adoptée par l’Assemblée nationale le 15 janvier de la même année, promulguée une semaine plus tard : la loi portant sur la baisse du coût du loyer.
Cela n’aura malheureusement pas l’effet escompté, et c’était tout de même prévisible. Comment faire baisser le cout du loyer en s’appuyant sur la seule contrainte mise sur le dos des bailleurs qui, rappelons-le, pour la plupart, se sont souvent endettés justement pour pouvoir fournir le marché en biens locatifs ?
Comment compter sur l’application de cette loi, sans qu’il n’y ait de ‘’garde-fous’’ pour contrôler la bonne application des textes ? Sans également accompagner les locataires afin que ces derniers puissent remonter la réalité terrain, ou juste crier leur désarroi ?
Soyons clairs, je ne suis aucunement pour la mise en place d’une loi contraignante pour les propriétaires. Il y a un réel risque : celui de déstabiliser tout un secteur, notamment celui du bâtiment. Cette tentative de régulation par la contrainte me semble assez dangereuse lorsque nous savons que l’immobilier est l’un des secteurs les plus dynamiques au Sénégal.
Faire baisser le cout du loyer sans réelle contrepartie pour les propriétaires c’est en vérité le faire supporter aux milliers de personnes qui s’activent tous les jours dans le bâtiment : promoteur, agences immobilières, mais aussi et surtout maçons, peintres, plombiers, électriciens, agents de sécurités, agents d’entretiens, …
La baisse brusque et non cadrée se répercuter immanquablement sur tous les professionnels du secteur qui sont eux-mêmes, pour la plupart, locataires. Quels résultats recherchons-nous au final ? Qui paiera la note en fin de compte?
Et d’ailleurs de quel prix du loyer parlons-nous ? Qui décide et contrôle les prix ? A ce jour, il n’y a pas vraiment d’organe existant qui s’active sur cela. Il n’y a aucune transparence sur les prix des loyers et donc comment savoir quel est le bon prix ?
Ce que je propose, sans que cela ne soit des points exhaustifs et exempts de points d’améliorations :
Règlementer les charges locatives :
Au Sénégal, contrairement à certains pays qui ont réussi le challenge de réguler le marché locatif, il n’existe pas de règlementation sur la part des dépenses récupérables auprès du locataires et ceux qui sont à la charge du propriétaire.
Quelques exemples concrets ci-dessous.
La Loi prevoit que tout proprietaire est dans l’obligation de délivrer un logement décent et que son locataire ne doit etre inquiété par quoi que ce soit, notamment d’ordre sécuritaire. Pourquoi donc faire supporter les frais de gardiennage et les frais d’entretien des extincteurs (s’il y en a) au locataire ? Ces mêmes depenses sont d’ailleurs pour la plupart déductiblesdes impôts pour le propriétaire. Double gain pour ce dernier.
Les frais d’entretien du compteur général qui permet de fournir le batiment en eau, qui devrait le supporter ? Il est obligatoire pour le propriétaire de fournir des equipements en bon etat permettant d’assurer au locataire la fourniture en ce liquide precieux.
Meme les frais de copropriete plus connus sous le nom de frais de syndic sont mis à 100% à la charge du locataire alors que ces derniers servent pour la plupart à entretenir le patrimoine du propriétaire.
Il y a urgence à clarifier ces points. L’idée n’étant bien sûr pas de mettre toutes les dépenses du logement sur le propriétaire, il convient de définir quelle est la logique à appliquer après avoir dressé une liste claire des dépenses courantes. Resultat possible : baisse du cout du loyer d’au moins 5%.
Mettre en place un crédit d’impôt :
Il pourrait etre pertinent d’inviter les particuliers à participer à la construction de logements sociaux en contrepartie de créditd’impôt. Les avantages de ce système sont multiples : limitation de fonds publics destinés à construire des milliers de logements, possibilité de réguler le cout des loyers car le fisc ne validera le crédit d’impôt au profit du propriétaire que lorsque celui-ci aura produit un document prouvant que loyer qu’il pratique respecte les dispositions des textes dans ce sens.
Cette solution n’est pas exempt de limites, mais il est possible d’en éliminer au maximum.
Le proprietaire sera gagnant, les locataires, et l’Etat.
Règlementer les travaux dans l’appartement :
Les travaux que le propriétaire réalise dans l’appartement le poussent généralement (à tort ou à raison), à réévaluer le loyer. A prendre ou à laisser pour le locataire en place.
Là encore, il faut imaginer un moyen permettant de clarifier quels types de travaux, et jusqu’à combien, peuvent justifier une hausse de X% sur le loyer, avec un maximum égalementqui sera règlementé. En contrepartie, octroyer un credit d’investissement à définir.
Avantage :
Renouvellement ou entretien du parc immobilier existant. Cela nous permettrait peut-être, en tant que citoyen, d’avoir un meilleur cadre lorsque nous passons devant les immeubles aussi délabrés les uns que les autres. D’ailleurs saviez-vous que certains immeubles, en arreté de peril depuis des annees, abritent encore des residents faute de moyen de la commune de prendre l’initiative de faire demolir l’edifice ? Pourquoi cela devrait être à la charge des communes ? Bref.
La réglementation du type travaux réalisables permettrait au locataire de ne pas voir son loyer exploser brusquement, et quelques fois sans justification autre pour le propriétaire, que le voisin loue plus cher.
Il serait possible de penser une reglementation des travaux sur le bien à louer par une mesure d’attribution de point en fonction de son standing, de sa zone et des travaux effectués.
Le proprietaire sera gagnant car sera interessé á entretenir son patrimoine immobilier qui en prendrait de la valeur, le locataire sera gagnant, l’Etat aussi.
Pour finir, la mise en place d’un organe de contrôle est une condition sine qua non.
Ce dernier aura le rôle :
– d’expliquer l’application des règles à ceux qui le souhaiteront,
– d’assister les propriétaires sur la préparation de dossier dedemande de crédit d’impot, de credit d’investissementqui permettrait par là-même de conferer un peu plus de credibilité pour le dossier de financement aupres de la banque,
– de publier des etudes et analyses sur le cout de loyer dans chaque zone, quartier, dans le privé comme dans le social (gain en transparence sur les prix des loyers et diffusion d’informations)
– de donner son avis sur tout type de programme de logement sociaux en vue de verifier la bonne application des annonces de loyers prevues.
A clarifier également de quel ministère cet organe sera issu. Notons qu’à ce jour, le prix des loyers est du ressort du Ministre du commerce. Je pense que cela devrait etre de celui du logement.
Les solutions sont multiples, et certaines seraient même insensibles pour les propriétaires.
Le cadrage de ce secteur permettrait même donc de renflouer les caisses de l’état en termes de taxes, notamment sur les prestations des ouvriers intervenants (plombier, electricien, menuisier, …) qui ne demandent qu’à se professionnaliser, et donc payer des impôts, creer des emplois, …
En lançant une réelle réflexion sur le marché locatif, tout le secteur du bâtiment serait boosté car les investisseurs locatifs seraient en demande perpétuelle de logement, et d’autres programmes immobiliers naitraient naturellement.
L’investissement public sur le logement social n’est pas LA solution pour reglementer la hausse des loyers . Il faut une réelle politique de l’habitat qui s’appuierait entre autres sur une incitation à l’investissement immobilier par des privés. Ce serait cyclique, tout le monde serait gagnant.
Je ne suis donc pas convaincu qu’une simple Loi sur la baisse des loyers couplés à un investissement de l’Etat soit pertinent.
Egalement, attention à ne pas faire porter aux bailleurs des contraintes imposées sans contrepartie. La stigmatisation risquerait de créer une friction sur le marché. Le secteur en serait perdant, l’économie, nous tous.Alioune SECK : Auteur, entrepreneur,
alioune.seck@keurcity.com