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Allocution de Monsieur Abdourahmane SARR
Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération

Novembre 2025
Monsieur le Président de la Commission des Finances et du Contrôle budgétaire,
Monsieur le Président de la Commission des affaires économiques,
Mesdames, Messieurs, les honorables députés,
Monsieur le Ministre des Finances et du Budget,
Madame le Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des relations avec les Institutions,

Je suis honoré d’avoir la charge de présenter, auprès de cette auguste assemblée, le Rapport Economique et Financier (REF), annexé au projet de Loi de Finances de 2026. Comme le veut la tradition, pour mieux appréhender les conditions d’élaboration de ce projet de LFI 2026 mon propos portera sur les performances économiques du Sénégal sur les dix dernières années ainsi que sur les développements économiques et les perspectives économiques et financières aux niveaux national et mondial pour les années 2025 et 2026.
Le REF annexé au projet de loi de finances initiale de l’année 2026 a été élaboré dans un contexte marqué par un ralentissement de l’activité économique mondiale. En effet, selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance mondiale devrait s’établir à 3,2% en 2025 et 3,1% en 2026, contre 3,3% en 2024. Ce ralentissement est le résultat de la persistance des incertitudes et de la montée du protectionnisme.
Face à la complexité de la situation extérieure, aux contraintes budgétaires nationales et internationales, et à la nécessité de changer de paradigme, notre pays a fait le choix d’une croissance résiliente et inclusive, portée par un secteur privé compétitif dans des pôles de développement attractifs, sur fond de stabilité du cadre macroéconomique et de consolidation du capital humain.
Messieurs les Présidents,
Honorables Députés,

Le contexte intérieur est marqué par la mise en œuvre de l’Agenda national de Transformation et du Plan de Redressement économique et social (PRES), la finalisation des Lettres de Politique sectorielle dans tous les départements ministériels et l’élaboration de la Stratégie nationale de Développement du Secteur privé et de Promotion de l’Investissement (SNDSPI).
Je dois rappeler que le modèle développement du Sénégal mis en œuvre jusque-là a généré, certes, une croissance économique à court terme, il a aussi engendré beaucoup d’inefficacités et d’inefficiences. Cette croissance a été obtenue au prix d’une accumulation progressive de la dette publique. Ce modèle n’est pas viable à moyen et long termes. Il a contribué, malgré les potentialités considérables dans les territoires, à la déresponsabilisation des acteurs non étatiques.
En somme, il a été également préjudiciable à l’initiative privée et a conduit à un secteur privé peu productif, atrophié et marqué par la prédominance des PME et de l’informel.
Cette tendance lourde reflète les problèmes structurels de compétitivité de l’économie et exige un redressement économique avec, notamment, le développement du secteur privé et l’assainissement de nos finances publiques, tout en protégeant les couches sociales les plus vulnérables. Il s’agira également de donner un signal positif aux marchés financiers internationaux et de mobiliser à nouveau des financements extérieurs à des conditions plus favorables.
Messieurs les Présidents
Honorables Députés

Pour mieux comprendre l’esprit de ce présent projet de loi de finances 2026, permettez-moi de faire une analyse rétrospective de la situation économique de notre pays sur la période 2014-2024. En effet, sur cette période, l’activité économique a crû de 5,5% en moyenne annuelle contre 3,3% entre 2000 et 2013. Plus précisément, la croissance du PIB non agricole a entamé une décélération depuis 2018 (avant la Covid 19) passant de 5,8 % en 2017 à 3,5% en 2024. Depuis 2022, la croissance du PIB non agricole s’est inscrite dans une fourchette comprise entre 3% et 4%, soit légèrement supérieure au taux de croissance démographique. Cette décélération de la croissance a principalement résulté d’une productivité en baisse.
Du côté de l’offre, l’activité a été marquée par un secteur manufacturier qui s’est inscrit sur une tendance baissière, avec un recul progressif du poids du tissu industriel dans le PIB. Il est passé de 21% du PIB en 2004 à 13,8% du PIB en 2024. Cette situation témoigne de l’échec de la transformation structurelle de l’économie et d’une désindustrialisation progressive et précoce.
Relativement à la demande, la croissance a été portée par les investissements qui ont crû de 12,2% sur la période, à la faveur notamment des projets d’infrastructures de transport et d’énergie. Ces investissements massifs n’ont cependant pas permis de générer suffisamment de croissance économique puisqu’ils sont intensifs en importations; Cette faible croissance reflète également un problème d’inefficacité, comme en atteste un ICOR (Le taux d’investisement par unité de croissance) de 5,4 au Sénégal contre 3,9 pour la Côte d’Ivoire.
Toutefois, les exportations de biens et services se sont bien comportées avec une croissance moyenne annuelle de 5,5% sur la période en liaison avec le dynamisme des ventes d’or et des produits halieutiques. Cette évolution est atténuée par une progression moindre des produits manufacturés qui n’ont crû que de 3,6% sur la période. Cette faible performance reflète des problèmes de compétitivité de l’économie.
Ce faible niveau de compétitivité conjugué à une dégradation des équilibres budgétaires a conduit à un déficit extérieur courant supérieur à 10% du PIB en moyenne sur la période. A cela s’ajoute une demande intérieure soutenue par le secteur public qui a enregistré sur la période des déficits budgétaires très élevés et une accumulation rapide de la dette publique (119% en 2024), réduisant les marges de manœuvre budgétaires.
Messieurs les Présidents
Honorables Députés

J’ai voulu partager cette analyse rétrospective de l’économie de ces dix dernières années pour montrer l’urgence d’opérer une rupture dans les modalités d’intervention de l’Etat en créant des marges de manœuvre budgétaire afin de rétablir durablement les équilibres budgétaires et financiers de notre pays et préserver la soutenabilité de notre dette.
Cette transformation systémique portée par Son Excellence, Monsieur le Président de la République exige le recentrage de l’action publique pour donner plus d’espace au Secteur privé, aux citoyens et aux collectivités locales. Elle s’appuiera sur la réforme de la gouvernance des services publics. C’est pourquoi, la Stratégie nationale de Développement du Secteur privé et de Promotion de l’Investissement (SNDSPI) qui opérationnalise la Stratégie nationale de développement a été élaborée. Elle cherche à « Développer un secteur privé productif, moteur de croissance endogène de l’économie dans les pôles territoires ». La SNDSPI se décline en trois (3) piliers :
i) Compétitivité des pôles territoires ;
ii) Facilitation des affaires et de l’investissement privé ; et
iii) Appui à l’entreprise.
Les domaines prioritaires de la SNDSPI portent notamment sur :

  • Le développement des chaînes de valeur et des identités remarquables dans les pôles territoires, qui se fera à travers :
    i) l’identification et la cartographie des filières à fort potentiel par pôle pour déterminer les identités économiques remarquables (acteurs privés les plus dynamiques et porteurs) ;
    ii) l’amélioration de l’offre d’industrie et de services supports aux chaines de valeur.
  • Le développement d’espaces dédiés aux activités économiques, à travers la redynamisation des zones et sites déjà aménagées ou en cours d’aménagement (ZES, agropoles, parcs artisanaux, plateformes logistiques, etc.) afin de doter les territoires de capacités d’attraction de l’investissements privé,
  • L’amélioration de la maîtrise des coûts des facteurs de production, avec une énergie à coût compétitif, un accès sécurisé à l’eau productive, des facilités d’usage et de sécurisation du foncier économique à travers une réforme, un accès à l’internet haut débit abordable, etc.,
  • L’amélioration de l’environnement des affaires avec la révision du processus d’identification et de conception des réformes, l’ajustement des réformes identifiées, et la simplification des procédures administratives (digitalisation),
  • La promotion de l’investissement privé à travers l’augmentation significative des projets PPP (par la structuration de pipeline de projets) et le recyclage des actifs publics, l’amorçage de l’investissement privé dans des secteurs prioritaires, le renforcement de capacités technique et financière d’accès des entreprises aux marchés publics, etc.,
  • L’amélioration de l’efficacité du dispositif public d’accompagnement du secteur privé à travers le déploiement des centres de services partagés et des maisons d’entreprise, le renforcement de l’offre de services des structures publiques d’accompagnement existantes, et l’amélioration des mécanismes de gestion et de prévention des difficultés des entreprises.

Messieurs les Présidents
Honorables Députés

Avant de revenir sur les chiffres clés de 2026, je dois signaler que la croissance économique en 2025 est estimée à 7,8% contre 6,1% en 2024. Cette situation résulterait d’une forte progression de la production d’hydrocarbures malgré le ralentissement de l’activité économique hors agriculture et hydrocarbures, observé depuis 2017.
En effet, le début de l’exploitation du gaz et la production de pétrole en année pleine ont conduit à une hausse de la production d’hydrocarbures de 110,6%, consacrant définitivement l’entrée du Sénégal dans le cercle des pays exportateurs de pétrole et de gaz (OPEP).
S’agissant du sous-secteur agricole, il devrait enregistrer une performance avec un taux de croissance attendu à 8,2%, à la faveur de bonnes conditions climatiques et de l’efficacité dans la mise en œuvre du Programme agricole qui a été porté à 130 milliards FCFA.
En revanche, hors agriculture et hydrocarbures, l’activité économique n’a progressé que de 3,7% contre 3,5% en 2024, soit une légère amélioration de 0,2 point de PIB imputable à l’accélération du secteur secondaire hors hydrocarbures de 4% contre 2,9% en 2024.
En 2026, l’environnement international devrait être marqué par la poursuite de la baisse des cours des matières premières énergétiques (- 4,5%).
Sur le plan interne, la bonne campagne agricole de 2025 devrait générer des effets induits positifs en matière de distribution de revenus et de soutien à la demande privée, notamment au profit du secteur agroalimentaire et celui de la construction.
Par ailleurs, l’année 2026 devrait marquer l’organisation pour la première fois en Afrique des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) en novembre 2026.
Son organisation nécessite un programme d’investissement qui sera finalisé au courant de l’année 2026.
Cet évènement constituera un levier majeur, stimulant la demande dans les secteurs de l’hébergement, de la restauration, du transport ainsi que de l’agroalimentaire.
Par ailleurs, l’exécution du Plan de Redressement économique et social devrait restaurer les marges de manœuvre budgétaire à l’Etat et renforcer la demande intérieure. Celle-ci bénéficierait également de la baisse des cours des matières premières devant soutenir le pouvoir d’achat des ménages.
Globalement, la croissance du PIB réel est projetée à 5% en 2026 contre une prévision de 7,8% en 2025. Cette croissance serait portée par le primaire (+6,1%), le tertiaire (+5,4%) et, dans une moindre mesure, par le secondaire (+2,9%). La croissance hors agriculture et hydrocarbures est attendue à 5,5% en 2026 contre 3,7% en 2025.
Au titre de la gestion budgétaire de 2025, la situation est marquée par l’accélération du processus de consolidation et d’assainissement des finances publiques. Le déficit budgétaire est estimé à 7,8% du PIB contre 13,4%, soit une consolidation budgétaire de 5,6% du PIB, reflétant une forte mobilisation des recettes budgétaires conjuguée à une gestion prudente des dépenses publiques. Cet ajustement s’est fait sans effet préjudiciable sur la croissance économique. En réalité, il s’est opéré sur les dépenses improductives de l’Etat.
Concernant le projet de loi de finances initiale de l’année 2026, l’option retenue porte sur la poursuite de la consolidation entamée depuis 2025. Les années 2025 et 2026 sont charnières dans ce processus. Il s’agit d’avoir un cadre macroéconomique solide à travers un ajustement pour ramener le déficit à 3% du PIB en 2027 et par ricochet restaurer les marges de manœuvre budgétaire. Notre ambition est d’imprimer une transformation systémique de la conduite de la politique économique et sociale aux fins d’inscrire le pays sur la trajectoire de souveraineté, de justice et de prospérité à l’horizon 2050. Mon collègue, Cheikh DIBA, Ministre des Finances et du Budget, reviendra avec plus de détails et de précisions sur ces développements.
Au total, la Loi de finances 2026 prévoit un déficit budgétaire de 5,4% du PIB contre une prévision de déficit de 7,8% dans la LFR 2025, soit une amélioration substantielle de 2,4 points de pourcentage : une consolidation budgétaire moins intense en 2026 qu’en 2025.
Sur le plan du financement du déficit, vous aurez remarqué une part très importante du financement de notre dette arrivant à échéance sur le marché régional, notamment par les titres publics et les appels publics à l’épargne et donc en monnaie locale. Cette option correspond à notre stratégie d’endettement qui consiste à moyen terme de réduire notre dépendance vis-à-vis des emprunts en devises. L’accompagnement du Fonds Monétaire International dans la mise en œuvre de notre cadre macroéconomique crédible permettra par ailleurs de renforcer la confiance de nos partenaires internationaux qui continueront d’avoir un rôle à jouer dans le financement de notre économie. C’est tout le sens de nos négociations avec le Fonds Monétaire International.
Telles sont, Honorables Députés, les grandes lignes du Rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances initiale 2026 que nous vous avons soumis.
Je me tiens à votre entière disposition pour réagir à vos commentaires et observations.
Je vous remercie de votre aimable attention.rp