Le président du Nigeria, Bola Tinubu est en France depuis ce mercredi soir pour une visite d’État de trois jours, la première d’un chef d’État nigérian depuis 24 ans. Économie, culture, sécurité sont au menu de cette visite exceptionnelle.
Bola Tinubu et Emmanuel Macron s’étaient déjà rencontrés à Paris en juin 2023, en marge du Sommet pour un nouveau pacte financier. AP – Michel Euler
L’Élysée salue la venue du président « d’un grand pays africain ». Et souligne que la France, elle aussi, « compte au Nigeria ». La visite d’État de Bola Tinubu, la première d’un président nigérian depuis celle d’Olusegun Obasanjo en 2000, est « l’occasion d’approfondir la relation, déjà très dynamique, entre la France et le Nigeria », indique encore la présidence française.
Il y a bien sûr le lien particulier qu’entretient Emmanuel Macron avec le géant africain, où il a séjourné et travaillé plusieurs mois, au début des années 2000. Et c’est au Nigeria que le chef de l’État français a effectué l’une de ses toutes premières visites officielles sur le continent africain, en 2018. Ce déplacement avait permis de poser les bases d’une relation toujours « en forte croissance sur tous les plans » six ans plus tard.
Encourager les entreprises françaises
La visite de Bola Tinubu aura une forte tonalité économique, avec ce jeudi matin la réunion à l’Élysée d’un « Conseil d’affaires franco-nigérian », une organisation qui rassemble une vingtaine d’entreprises des deux pays, en présence des deux chefs d’État. Le commerce bilatéral entre le Nigeria et la France est le plus important d’Afrique subsaharienne et les investissements français au Nigeria ont doublé en dix ans, à 10 milliards d’euros, mais encore trop peu au-delà du géant pétrolier Total. Dans les infrastructures au Nigeria, ce sont les concurrents, comme le portugais Mota-Engil, qui raflent des parts de marché.
Le Conseil d’affaires franco-nigérian espère que cette visite facilitera les opportunités dans les secteurs d’avenir que sont les transports durables et les énergies vertes, depuis la fin des subventions aux carburants, mais aussi les industries culturelles et créatives si vivaces au Nigeria, et bien sûr l’agro-industrie, au-delà des nouveaux investissements de Danone dans la production laitière.
« Il y a une quarantaine d’années, toutes les grandes entreprises françaises étaient présentes au Nigeria, rappelle Jean Hass, secrétaire général du Conseil d’affaires France-Nigeria. Elles se sont retirées du pays au moment des crises militaires de la fin des années 1990 et leur place a été reprise par des entreprises étrangères, européennes ou asiatiques. Le but est de rétablir la confiance des entreprises françaises pour se réinstaller au Nigeria et leur expliquer comment, sans risque démesuré, on peut faire des affaires au Nigeria. »
Menace jihadiste
Car le géant africain fait aussi face à une très grave crise sécuritaire, qui touche l’ensemble de son territoire. La visite d’État du président Tinubu devrait donc également permettre « d’approfondir le soutien de la France aux forces de sécurité nigérianes ». La France apporte notamment son appui à la marine et à la police nigériane dans le golfe de Guinée et elle soutient financièrement la Force multinationale mixte qui réunit les cinq pays qui luttent contre la menace jihadiste sur le pourtour du lac Tchad (Bénin, Niger, Nigeria, Tchad et Cameroun). Le Nigeria doit faire face, dans le nord de son territoire, aux attaques des groupes jihadistes Boko Haram et État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).
Au Nigeria, l’invitation du président Emmanuel Macron est perçue comme un « honneur » et comme la promesse d’opportunités pour le pays. Les partenariats noués dans le domaine de l’agriculture, de la sécurité ou de l’éducation pourraient « bénéficier de manière significative au Nigeria », se réjouissent les observateurs locaux.
Le pays le plus peuplé d’Afrique traverse une crise économique sans précédent et les éditorialistes nigérians espèrent bien que cette visite d’État est le signe que les efforts de Bola Tinubu vont enfin « porter leurs fruits » et permettre le retour des investisseurs étrangers dans leur pays. Les besoins sont immenses, notamment en termes de formation et d’emploi des jeunes, qui représentent près de 70% des 220 millions d’habitants que compte le Nigeria. Selon un rapport paru en octobre de la Banque mondiale, quelque « 129 millions de Nigérians » vivent sous le seuil de pauvreté.