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J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la publication du Dr Moustapha Fall, que je félicite pour la richesse de son texte et pour les pistes de réflexion qu’il ouvre au service d’un débat qui est mené dans notre pays avec des arguments plus politiques que juridiques .

1- Pour faire droit à la possibilité de renégocier les contrats pétroliers, gaziers ou miniers , monsieur Fall tire argument de la maxime « pacta sunt servanda », notion plus de Droit international public que de droit interne, quand bien même la signification est peu ou prou la même dans les deux ordres.

2- Lesdits contrats sont marqués par leurs durées dans le temps et dans l’espace.
En effet, pour bien les appréhender dans le long terme, il convient pour la clarté des engagements et des intérêts, de les analyser sous deux prismes :
_Ex anté, au moment de signer les contrats, et en raison même du sacro-saint principe de l’autonomie de la volonté, les parties avaient intérêt à les signer, car rien ne les obligeait à s’engager ; je ne préjuge pas bien sur des fraudes ou concussions qui par nature corrompent tout au point d’annuler la volonté librement consentie de l’État à travers ses représentants.
-Ex post ,la caractéristique principale de ces contrats est qu’au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, il peut advenir que les intérêts en présence ne soient plus convergents ; cette sorte d’asymétrie dans la maitrise des informations ab initio est la raison pour laquelle ,au demeurant , les parties essaient d’instiller dans les contrats des clauses de sauvegarde pour parer, de manière anticipée, aux imprévus ou aux changements de circonstances : cela peut passer par des clauses d’indexation ou d’échelle mobile, voir par l’introduction de clauses de révision assez précises à l’occurrence de certains événements prévisibles.

3- En dehors de ces considérations, les engagements souscrits sont gravés dans le marbre et ne peuvent être écartés au gré des volontés subjectives des uns ou des autres.
C’est la raison pour laquelle je suis quelque peu perturbé par l’invocation de l’adage Pacta Sunt Servanda pour justifier une quelconque renégociation du contrat, de bonne foi ou de mauvaise foi ; l’adage signifie que les conventions signées doivent être appliquées purement et simplement ; même si en reprenant la formule, la Convention de Genève sur le droit des Traités ajoute qu’elles doivent être appliquées de bonne foi.
Cette dernière est ici perçue comme une ardente obligation de respecter les engagements souscrits ainsi que la parole donnée.
Découvrir sur le tard que l’on perd ou que l’on gagne ne peut fonder la bonne foi alléguée pour réviser unilatéralement un contrat .
C’est du reste dans la même veine qu’il faut comprendre la formule privatiste selon laquelle, de bonne foi, « les conventions légalement signées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont régulièrement faites et ne peuvent être révoquées que par consentement mutuel ou par des causes que la loi à prévues »

4 -Dès lors, si Pacta Sunt Servanda ne peut en aucune manière justifier la révision, Je m’attendais à ce que Mr Fall invoquât l’antonyme, qu’on pourrait qualifier comme tel, « Rebus sic stantibus » qui traduit plutôt un changement fondamental dans les circonstances où les accords ont été négociés ; le cas échéant, l’exécution ne correspond plus aux volontés telles qu’elles ont été exprimées ex anté, ce qui peut fonder une perspective de révision , dans des conditions strictes et sans pour autant altérer l’essence des engagements initiaux.

5- Dans le cadre de la procédure d’arbitrage évoquée par Mr Fall, et en dehors de l’arbitrage d’investissement, s’il existe une clause compromissoire insérée au contrat qui ne stipule pas expressément que les arbitres pourront statuer non pas exclusivement en droit mais ex aequo et bono , il sera difficile de fonder la révision.
En définitive, et en tout état de cause , pour renégocier de tels contrats , il faut être deux , aucune des parties n’ayant la prérogative d’imposer une solution unilatérale.
En tout état de cause un Etat souverain, avec tous ses moyens et prérogatives de puissance publique , pourrait difficilement plaider l’ignorance des bonnes règles ou la faiblesse intellectuelle et technique de ses représentants pour exciper d’un droit à renégociation des contrats signés comme s’ils avaient été trompés.

Pour conclure, et pour ma part, je considère que les contrats en question, en raison même de leur nature, sont des contrats administratifs ; ils sont à ce titre assujettis à la mutabilité qui permet aux autorités contractantes de les modifier unilatéralement en raison même de l’intérêt général, librement apprécié, mais qui suppose le respect de l’équilibre et de l’équation financière du contrat.
Enfin si les contrats sont réellement contraires à nos intérêts, ce qui n’est pas forcément à exclure, l’Etat, en exécution de ses prérogatives de puissance publique aura toujours le loisir de les dénoncer unilatéralement , au besoin en expropriant, pour cause d’utilité publique.

Mamadou BARO,ancien cadre de la Senelec.