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Entretien avec Malick NDIAYE, directeur général de La Banque Agricole

https://www.financialafrik.com En première ligne pour relever le défi de la souveraineté alimentaire du pays, La Banque Agricole consacre 60% de ses engagements au secteur agricole. Durant la saison 2021/2022, la banque a débloqué 21,418 milliards de Fcfa aux agriculteurs en plus de concours à la commercialisation des produits agricoles qui ont atteint 11,329 milliards Fcfa. 

Sénégal : Le bras armé de l’Etat sur tous les fronts. Dans quel état se trouve actuellement La Banque Agricole ? 

Je dirai que La Banque Agricole se porte bien. En 2021, notre activité a été marquée par la poursuite de la mise en œuvre du plan stratégique « Synergie 2022 » qui est entrée dans sa quatrième année de mise en œuvre. La bonne trajectoire suivie par la Banque dans son processus de transformation a permis l’atteinte des objectifs qu’elle s’est assignée en dépit d’un environnement particulièrement difficile et notamment la crise du Covid-19. En effet, dans notre contribution active au développement économique et sociale du Sénégal, la Banque a poursuivi ses activités de soutien à l’agriculture notamment le financement de la production et l’appui à la commercialisation des produits agricoles. Nos interventions en termes de financement et conseils ont touché toutes les chaînes de valeur agricoles (arachide, céréales, banane, horticulture, etc.) et n’ont épargné aucun maillon de la chaîne de valeur à savoir la production, les fournitures d’intrants, le matériel agricole, la transformation et la commercialisation. En chiffres, le financement de la production agricole en 2021/2022 a atteint 21,418 milliards de Fcfa. Parallèlement, nos concours à la commercialisation des produits agricoles ont atteint 11,329 milliards Fcfa en 2021. La Banque Agricole a clôturé l’exercice 2021 avec un total bilan de 352, 815 milliards de Fcfa et un produit net bancaire de 19,785 milliards de Fcfa.

Comment qualifieriez-vous la campagne 2022, plus particulièrement dans la filière rizicole ? Quels moyens avez-vous déployés pour accompagner les agriculteurs ?

La Banque Agricole a poursuivi ses interventions dans le secteur agricole avec une présence remarquée dans le financement des activités d’approvisionnement en intrants, de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Au cours des cinq dernières années, nos interventions dans la chaîne de valeur Riz s’élèvent à plus à 77 milliards de Fcfa : 50 milliards de Fcfa dans la production et 27 milliards dans la transformation. Spécifiquement en 2022, pour permettre aux producteurs de riz d’aller en campagne et dans les meilleures conditions, la Banque Agricole a débloqué un montant de 7,4 milliards de Fcfa pour la Campagne Contre Saison Chaude 2022 et 3,8 milliards pour la Campagne Hivernage, soit un volume de financement global de 11,2 milliards de Fcfa. Au total,1.059 organisations paysannes ont été touchées pour une superficie de 30 000 hectares. Dans le cadre de la transformation du riz paddy de la Campagne Contre Saison Chaude Riz 2022, un volume de financement de deux (2) milliards de Fcfa est déjà débloqué sur des prévisions de 5 milliards pour accompagner les riziculteurs. En plus du riz, nous accompagnons d’autres chaînes de valeur agricoles comme la tomate, l’oignon, la pomme de terre, etc.

Quels défis vous pose la hausse des cours des intrants agricoles et des prix de l’énergie ?

Les défis sont énormes et les solutions à apporter doivent contribuer à une agriculture durable et moins destructrice de l’environnement. On peut citer principalement : L’urgence de repenser autrement les systèmes de production et travailler à asseoir une résilience soutenue des actifs productifs et des acteurs sur toute la chaîne de valeur par la promotion de pratiques climato-conformes ; Le défi de l’autonomisation énergétique par le recours aux énergies propres aussi bien sur la production que la consommation ; Il faut aussi promouvoir l’agriculture écologique alliant la sécurisation de la production de semences et l’utilisation progressive des engrais biologiques pour redonner à la terre ses performances agronomiques.

La Banque Agricole s’est-elle définitivement remise de la crise liée à la pandémie du covid-19 ? Quel a été son impact sur vos résultats ?

La crise du Covid-19 est survenue de manière rapide et inattendue avec son lot de mesures prises par les autorités sanitaires et gouvernementales. Nous avons eu une activité de veille particulièrement intense durant la crise sanitaire pour une bonne maîtrise de l’information en vue de la mise en place d’un dispositif de résilience pour protéger la Banque et ses clients. En effet, il a fallu trouver un moyen de poursuivre l’activité tout en veillant à la protection des collaborateurs, des clients, fournisseurs et autres partenaires. Il fallait aussi mettre en place un dispositif de riposte précoce afin de faire face à une éventuelle contamination individuelle ou collective. En application des dispositions de l’article 39 de la circulaire N° 04-2017/CB/C de la commission bancaire relative à la gestion des risques dans les établissements de crédit et les compagnies financières de l’UMOA, La Banque Agricole s’est dotée d’un Plan de Secours et de Continuité d’Activités (PSCA) dont l’objectif est de garantir une exploitation sans interruption et à limiter les pertes en cas de perturbation grave de l’activité. D’autres comités internes ont été mis en place chargés de la mise en œuvre des avis de la BCEAO portant principalement sur les objets ci-après : La révision des modalités de mise en œuvre du dispositif des accords de classement pour les entreprises non financières ; les mesures de promotion des paiements électroniques ; le report d’échéances des créances des entreprises affectées par la pandémie ; l’émission de bons, dénommés « Bons Cvid-19 » par les Etats membres et leur refinancement sur un guichet spécial à trois mois de la BCEAO ; l’accès des créances privées cotées B au refinancement de la BCEAO ainsi que les mesures en faveur des institutions de microfinance. Par ailleurs, dans l’opérationnalisation du dispositif, plusieurs mesures, en relation avec les autorités de contrôle et de supervision, ont été prises notamment, les reports d’échéances des créances des entreprises et particuliers impactés par la crise sanitaire. L’élaboration d’une stratégie d’atténuation des impacts économiques du Covid-19 sur le secteur agricole nous a permis de lever 1,7 milliards de FCFA auprès de l’Agence Française de Développement (AFD) pour accompagner la production de mil, maïs, niébé, sésame et fonio dans les parties Centre, Nord et Sud-est du pays.

Quel rôle entend jouer la Banque Agricole pour assurer la souveraineté alimentaire du pays, encore plus pressante dans le contexte géopolitique actuel ?

En tant que banque leader dans de financement de l’économie agricole au Sénégal, nous contribuons de façon significative à la création de valeur et par ricochet au développement économique du pays. La disponibilité des ressources alimentaires représente aujourd’hui un enjeu géopolitique et géostratégique de taille avec toutes les implications liées à la crise ukrainienne sur la disponibilité des céréales et des intrants agricoles. La Banque Agricole (LBA), dont 60% des financements ciblent une clientèle agricole, ne peut être étrangère aux conséquences proches et lointaines induites par cette situation. Au demeurant, La Banque Agricole a toujours orienté sa stratégie sur le développement de modèles de financement et d’offres de produits et services qui favorisent une résilience durable des petits producteurs et des productions mais aussi, sur une transition vers une économie agricole moins émettrice de gaz à effet de serre et dépendante de l’apport d’intrants extérieurs. A cet effet, LBA est membre actif de l’initiative mondiale des banques publiques de développement pour une optimisation des contributions des institutions financières à une reprise durable post covid-19 et aujourd’hui post crise ukrainienne. Ceci, pour mettre en avant l’approche de partenariat divers et multiformes qu’elle privilégie au niveau national et international pour développer des synergies d’anticipation et de riposte face aux effets des crises mondiales.

Deux ans après l’accréditation de la LBA du Fonds Vert pour Climat, quelle première évaluation faites-vous de votre action dans le financement vert ?

Il faut déjà préciser qu’en 2019, en plein processus vers l’accréditation, le FVC avait choisi de confier à LBA sur nomination de l’Autorité Nationale Désignée le mandat de « Delivery Partner » du second programme Readiness de renforcement des capacités pays sur le développement d’un portefeuille de projets résilients au climat et sobres en carbone. Ce choix s’est porté sur LBA à la suite d’un Financial Management Capacity Assessment que la Banque a réussi en moins de deux mois. Nous avions pris le pari d’y aller car ce processus et la gestion du Readiness étaient un bon cadre de préparation pour tester nos instruments en matière de gestion fiduciaire, notre cadre juridique et de conformité, notre approche de reportings et la mise en œuvre de ses procédures en référence aux instruments et principes du Fonds. La mise en œuvre du Readiness dont la fin est prévue en décembre 2022 se poursuit bien et les activités qui sont à un taux d’exécution de 90% sont presque entièrement bouclées. L’accréditation au Fonds Vert Climat est intervenue en août 2020 et confère à LBA le statut de seconde entité sénégalaise accréditée pour l’accès direct avec un focus orienté vers la promotion de l’investissement privé en faveur du climat. A la suite, le premier jalon posé et réussi a été d’accélérer la signature de l’Accord cadre d’accréditation communément appelé « AMA » en anglais et qui constitue l’accord juridique qui lie le FVC aux entités accréditées. A ce niveau, les négociations sont allées très vites et l’accord d’accréditation a été signé le 06 décembre 2021. Cependant, nous n’avons pas attendu la finalisation cette accréditation pour mettre en œuvre notre stratégie post accréditation articulée autour de trois axes : La communication et la sensibilisation des parties prenantes sur les enjeux et opportunités de l’accréditation de LBA dans le développement de projets et la mobilisation de financement climat pour le Sénégal ; Le développement d’un portefeuille de projets verts et climat pour la Banque ; Le partenariat pour une consolidation de la structure financière de la Banque par l’accès aux fonds climats divers et multiformes pour répondre aux besoins d’accès au financement de nos clients porteurs de projets. Sur le premier axe, nous avons pu réussir en juin dernier à réunir le secteur privé national et certaines institutions financières autour de panels thématiques sur les complémentarités à mettre en œuvre pour une meilleure compréhension des enjeux du climat pour le secteur privé. Toujours dans la mise en œuvre de cette feuille de route, LBA se réjouit d’avoir finalisé en rapport avec le FIDA et cinq banques agricoles de l’Afrique de l’ouest un projet régional dénommé IGREENFIN (Inclusive Green Financing Initiative) qui est une initiative de verdissement des banques agricoles pour favoriser une agriculture paysanne résiliente au changement climatique et à faibles émissions en Afrique de l’Ouest. La mise en œuvre prochaine de ce projet qui est une réponse durable à la lancinante question de l’accès aux ressources concessionnelles pour les petits agriculteurs ruraux devrait permettre à la Banque de disposer de ressources longues à faible coût et de révolutionner le secteur financier par la promotion de modèles financiers verts innovants. La deuxième idée de projet soumise au FVC en 2021 parallèlement au processus de développement de IGREEFIN porte sur « Green Climate Finance Facility for fostering Climate-smart agriculture in Senegal” ou Facilité de financement vert pour favoriser une agriculture climato intelligente au Sénégal ». Ce projet a évolué rapidement en Concept Note, validé par le secrétariat du FVC en début d’année 2022 et un Project Preparation Facility (PPF) a été accordé en juin 2022 à LBA pour évoluer vers la finalisation du Full Proposal que nous espérons soumettre à la validation du Conseil d’Administration du FVC en fin d’année 2022 ou au plus tard avant la fin du premier semestre de 2023. Le démarrage des activités du PPF est prévu en début octobre 2022. Ce projet vient consolider les réponses apportées par la Banque sur la maitrise énergétique via le financement de solutions de pompage solaire pour l’irrigation sur ses fonds propres. Il constitue en termes de perspectives une possibilité de développer à l’échelle nationale une offre de produits et services financiers durables en lien avec l’agriculture intelligente face au climat, la transformation et la conservation des productions. Tous ces développements sont arrimés à une logique d’intervention et une cohérence d’ensemble en lien avec le plan stratégique de la Banque « SYNERGIE 2022 » qui arrive à son terme en fin d’année. « Synergie 2022 » fait l’objet d’une évaluation en cours, qui va, en même temps, décliner les orientations du prochain plan avec un focus sur la finance climat. Abashi Shamamba