Signe de son rapprochement avec le président Bassirou Diomaye Faye, le gouvernement français s’est mobilisé pour que l’institution de Bretton Woods accorde une dérogation au pays de la Teranga dans l’affaire de sa « dette cachée ».
Publié le 07/10/2025 à 4h40 GMT Lecture 3 minutes
À Dakar, la déception est palpable. Alors que le gouvernement espérait une décision favorable à son égard à l’issue du conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) du 3 octobre, l’instance, bien qu’ayant évoqué son cas, n’a finalement pas procédé au vote censé déterminer l’avenir de sa relation avec le pays de la Teranga.
Au lieu de cela, le président Bassirou Diomaye Faye, qui a publiquement appelé l’institution à « presser le pas » sur le dossier début octobre, a dû se contenter d’une déclaration se voulant encourageante de la part de la directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva. Saluant « d’importants progrès » de la part du Sénégal, cette dernière a indiqué que des discussions auront lieu en vue d’un nouveau programme en marge des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, qui doivent avoir lieu du 13 au 18 octobre à Washington.
Après que ses services ont révélé une vaste falsification des données transmises à l’institution financière sous l’administration de l’ex-président Macky Sall (2012-2024), son successeur, Bassirou Diomaye Faye, doit composer depuis près d’un an avec le gel du programme liant son État au FMI. Un climat d’incertitude qui freine fortement la reprise des investissements, et dont le terme est suspendu à une décision du conseil d’administration du bailleur.
Selon les règles de l’institution, ses membres pourraient théoriquement forcer le Sénégal à rembourser les sommes prêtées sur la base des informations erronées transmises ces dernières années. Depuis plusieurs mois, le gouvernement français œuvre cependant pour que l’État africain bénéficie d’une dérogation afin d’échapper à un tel scénario, qui apparaît aujourd’hui de moins en moins probable.
Intérêts français
Alors que les impayés auprès d’acteurs tricolores représentent une part conséquente de la dette publique accumulée par le Sénégal – estimée aujourd’hui à 119 % du PIB –, Paris cherche à éviter que Dakar sombre dans une forme d’asphyxie financière, ce qui compromettrait le remboursement d’une multitude d’entreprises françaises, publiques comme privées, réclamant des arriérés à l’administration de Bassirou Diomaye Faye. Parmi ces dernières figurent notamment le groupe Eiffage (AI du 01/08/25), ainsi que la banque BPI France (AI du 21/07/25).
Détentrice de 4,1 % des droites de vote au sein du conseil d’administration du FMI, la France, dont la voix est loin d’être décisive, a sondé les autres États membres de ce conclave afin d’anticiper leurs positions. Outre le Quai d’Orsay, ces efforts ont été menés par la Direction générale du Trésor, à travers l’administrateur représentant la France auprès des institutions de Bretton Woods, Arnaud Buissé.
Bien qu’elle s’attendît à une posture résolument ferme des autorités américaines sur ce dossier, la partie française a été surprise de constater que son approche se voulant pragmatique était partagée par l’administration de Donald Trump. Avec 16,5 % des voix, les États-Unis détiennent la part la plus importante des droits de vote. Les négociateurs français se sont en revanche employés à convaincre le gouvernement allemand, plus réticent. En plus de l’absence de sanctions, Paris plaide pour un rééchelonnement de la dette sénégalaise, afin de la rendre plus soutenable.
Réformes structurelles
Cet activisme français s’inscrit dans un contexte de réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays. Après une rupture particulièrement tendue sur le plan sécuritaire, Paris et Dakar souhaitent jeter les bases d’un partenariat renouvelé à l’occasion du prochain séminaire intergouvernemental, censé se tenir dans la capitale sénégalaise en novembre. Un sujet évoqué entre Emmanuel Macron et Bassirou Diomaye Faye, lors de la visite de ce dernier à Paris, en août.
Quand bien même le FMI a d’ores et déjà laissé entrevoir la perspective d’un nouveau programme avec le Sénégal, une décision favorable de la part de son conseil d’administration demeure nécessaire avant son lancement. Paris et Dakar espèrent qu’elle aura lieu le plus rapidement possible, alors que les négociations en vue d’une facilité élargie de crédit de plusieurs centaines millions de dollars doivent formellement débuter le 13 octobre.
Le gouvernement sénégalais table sur un premier décaissement au premier trimestre de l’année 2026, moyennant plusieurs réformes structurelles qu’il s’est déjà engagé à mettre en œuvre. Celles-ci incluent la création d’une direction globale de la dette au sein du ministère des finances, afin de centraliser la gestion de l’ensemble des levées de fonds réalisées par l’administration. Une pratique censée éviter la reproduction du système en place sous Macky Sall, au sein duquel certains ministères, jouissant d’une grande autonomie en la matière, disposaient de leur propre ligne de crédit.
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