Kofi Annan (1998), », ancien secrétaire général des Nations Unies, Allocution prononcée Sao Paulo Brésil sur La puissance émergente de la société civile a soutenu que « Une société civile forte favorise la responsabilité citoyenne et permet l’existence d’un régime démocratique (…) une société civile faible encourage l’autoritarisme, lequel maintient la société dans sa faiblesse ». D’emblée, il est important de rappeler que, la notion de société civile au-delà de son histoire occidentale, a aussi trouver une opportunité d’épanouissement sur la question du développement indispensable à tous les pays africains qui accèdent à la souveraineté politique dans les années 60.
Selon Gautier Girotte (2002) pour les milieux africains notamment anti colonialisme et anti post colonialisme en Afrique, « ce sont les bailleurs de fonds qui ont reconstitué la société civile en montrant que l’État est incapable de réaliser une bonne gouvernance. » Nous pouvons à ce niveau justifier l’hostilité spontanée du régime PASTEF et de ses alliés de gauche contre une société civile financée souvent par les bailleurs de fonds même si celle-ci à contribuer à leur élection aux stations de l’exécutif et du législatif.
Dans le champ du développement, l’usage de la notion de société civile comme l’expression des identités et la défense d’intérêts spécifiques est devenue plus actuelle et à la mode selon la vision de Michèle Leclerc-Olive (2013) que la première version qui faisait d’elle un espace public, politique de fabrique des opinions.
A côté de l’importance que prend la défense des intérêts privés ou collectifs car il ne suffit plus seulement d’avoir des opinions, le courant académique post-développementaliste des années 80, se réduit à dire que « la politique ne se réduit plus uniquement à l’État (…) il convient à présent d’être attentif aux modes populaires d’action politique … » (Gautier Pirotte p. 69).
En intégrant l’idée du « complexe développeur international » chez les africains, les spécialistes et observateur ont insisté sur la faillite de l’État modernisateur (Banque mondiale, 1989), sur la nécessité de faire émerger d’autres opérateurs de l’aide drapés de vertus (…) que cet État ne posséderait sans doute jamais (Marcussen, 1996) pour éradiquer la pauvreté.
La priorité accordée au « développement » s’accompagne de la subordination des pratiques démocratiques. (Michèle Leclerc-Olive (2013 :118). Ces dynamiques externes influencent le secteur des ONG censés incarner le projet de constitution d’une société civile et modifient les rapports entre ces organisations et les pouvoirs publics qui se réduisent à la confrontation, à la concurrence, au partenariat ou à la substitution de l’État par la société civile ( Gautier Pirotte : 2002).
Cette approche de la contradiction entre l’Etat et une partie de la société civile n’est pas l’exclusive voire la seule socialement légitime puisque le statut de celle-ci ne se réduit pas forcément à être un contre-pouvoir au premier cité.
Dans l’expérience de la grande Bretagne où les acteurs sociaux sont autonomisés, l’Etat est un « centre de coordination » , point d’articulation de la société civile et non un contrepoids de celle-ci … » Paul Ghils (1944 : 129-130). Dans le modèle français, la société civile dépend du fonctionnement de l’Etat. Elle est moins autonome que le modèle britannique.
D’ailleurs l’utopie démocratique que le développeur international nous impose en finançant certaines ONG est solidaire de la notion du « corps social » lequel ne crée pas de rapports antagonistes entre l’Etat et la société et cela grâce au paradigme d’incorporation. Le corps social dont il est ici question se construit sur la base d’association de plusieurs parties qui cherchent non pas l’antagonisme qui divise mais l’incorporation au profit d’un corps unique.
Si pour le philosophe marxiste italien Antonio Gramsci, la société civile est l’espace culturel dans lequel peut s’exprimer la résistance au pouvoir. Alexis de Tocqueville (1835) dans son ouvrage sur la démocratie en Amérique conçoit la société civile comme une opportunité de pacification, d’intégration et de stabilisation … C’est le lieu de selon Dominique Wolton (1997) de « l’autonomie, la responsabilité, la prise en charge par les individus eux-mêmes de leurs propres problèmes. Par sa dimension collective, la société civile semble échapper aux dangers de l’individualisme et inciter à la solidarité. Par sa dimension civile, elle évoque l’émancipation de la tutelle étatique…»
Jean Louis Quermonne ( 1986 : 187) est très juste dans sa définition en ce sens que la société civile désigne un : « ensemble des rapports interindividuels, des structures familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l’intervention de l’État».
Pour Reinhart Bendix (1976 : 523) « la société civile représente toutes les institutions dans lesquelles les individus poursuivent des intérêts communs sans direction ni interférence du gouvernement. »
Lato sensus, la société civile concerne toute organisation privée formelle ou informelle (non gouvernementale et non confessionnelle) à but non lucratif qui compte des membres volontaires. Sont concernés par cette désignation ou catégorisation, les associations de consommateurs, les syndicats, les défenseurs des droits humains, les mouvements populaires, les médias non étatiques, les organisations de protection de l’environnement, entre autres.
Un sociologie québéquois Antoine Théberge en déduit qu’il s’agit de « corps intermédiaires » qui régulent le lien entre l’Etat et les citoyens c’est-à-dire un « ensemble d’associations volontaires, de formes publiques d’expression indépendante, de réseaux qui nourrissent le lien social entre les individus, puis entre eux et les institutions sociales sur lesquelles l’État n’intervient pas directement. »
L’un des plus grands sociologues français du XXe siècle Pierre Bourdieu (1930-2002) dans ce qu’il appelle « le cercle de la reproduction de l’ordre social » (1994 : 139), soutient que la « société civile » est une « catégorie sociale objective » qui sert de base à une « catégorie sociale subjective » inscrite dans les perceptions et les comportements des acteurs sociaux. Autrement dit, c’est un moyen pour les projets citoyens.
Pour les Nations-Unies (2023) : « la société civile est le « troisième secteur » de la société qui comprend les ONG, aux côtés du gouvernement et du monde des affaires. »
L’attribut de la qualité de « fumier » comme l’a déjà dit le premier ministre Ousmane Sonko ne peut pas sied à la société civile.
Dr. Pascal OUDIANE, Sociologue
Gouvernance sans parti.