Amnistie de personnes déchues de leurs droits civiques et politiques : ce qu’en pense Me Assane Dioma Ndiaye
https://actusen.sn Dans l’absolu, l’amnistie efface les faits, d’après Me Assane Dioma Ndiaye, contacté, hier, par Source A. De ce point de vue, l’avocat à la Cour rappelle qu’on ne peut plus greffer des conséquences à ses faits. Autrement dit, si le gouvernement est cohérent dans sa démarche, Karim Wade ne doit plus rien à l’Etat du Sénégal. Même si le défenseur des droits humains estime qu’il est important de ficeler une loi d’amnistie qui doit être générale, voire aller vers des mécanismes qui pourraient être beaucoup plus appropriés comme la révision de procès pour les personnes dont les droits ont été violés.
Dans le dernier communiqué du Conseil des ministres, le président Macky Sall demande au Ministre de la Justice d’examiner dans les meilleurs délais les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote. Le gouvernement du Sénégal, même si certains y voient un calcul politique, va ainsi réhabiliter dans leurs droits des personnalités politiques et autres citoyens anonymes ayant maille à partir avec la justice et dont les droits ont été violés. Seulement de l’avis de Me Assane Dioma Ndiaye, avocat à la Cour, amnistier est bien, mais éviter de violer les droits fondamentaux est encore mieux. « Que ça soit Karim Wade ou Khalifa Sall, nous avons des décisions de justice, soit de la Cour de justice de la CEDEAO, soit du Comité des Nations unies pour les droits civils et politiques, qui ont clairement dit que leurs droits ont été violés. Cela veut dire qu’ils n’ont pas bénéficié d’un procès juste et équitable. A partir de ce moment, nous avions toujours dit qu’il était important que leurs droits fondamentaux soient restaurés », rappelle le militant des droits de l’homme.
L’ancien président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) soutient qu’il appartient, à présent, au pouvoir politique de trouver une solution pour faire cesser ces violations et restaurer les droits des personnes qui en sont victimes. Précisant que les solutions peuvent différer d’un pays à un autre, que certains pays ont des lois spécifiques, via des mécanismes comme l’amnistie ou la grâce, Me Assane Dioma Ndiaye rappelle «qu’à défaut de recourir à une révision de procès, ce qui serait compliqué, il est important de se soucier des finalités qui doivent passer par la restauration de leurs droits fondamentaux à savoir que ces condamnations disparaissent parce que n’étant pas justes et équitables du point de vue des droits de l’homme. »
«L’amnistie aboutit à une sorte de fiction juridique»
D’ailleurs, la loi d’une amnistie, explique la robe noire, équivaudrait à dire que toutes conséquences dommageables qui découlent des décisions prises disparaissent et les personnes concernées recouvrent leurs droits civils et politiques. « L’amnistie aboutit à une sorte de fiction juridique. C’est comme si les faits pour lesquels ces personnes ont été condamnées sont supposés ou censés n’avoir jamais existé. C’est ça en réalité l’amnistie ! Et dans l’absolu, quand il y a amnistie, personne n’a le droit de parler, dans l’avenir, des faits pour lesquels ils étaient condamnés même si on sait qu’en France le Conseil constitutionnel a été obligé de tempérer ce principe pour dire que le fait d’interdire aux journalistes de parler des faits amnistiés est une atteinte à la liberté d’expression », nous apprend Me Ndiaye.
L’importance est de bien articuler une loi d’amnistie
Mieux, l’avocat ajoute que « dans l’absolu, l’amnistie est la forme la plus radicale pour effacer une condamnation pénale . » Seulement pour le droit de l’hommiste, « il s’agira, maintenant, de bien articuler une loi d’amnistie d’autant que cette loi ne vise pas des personnes, mais des faits pour une période déterminée. »
Dans la foulée, notre interlocuteur a plaidé pour qu’on en revienne à des orthodoxies dans notre pays : « On ne peut pas, de par une loi électorale, priver des personnes des droits civils et politiques. Car la perte des droits civils et politiques doit résulter d’une peine complémentaire prononcée par des juges. » Me Ndiaye ajoute : « C’est d’ailleurs, la grande leçon que nous devons retenir de ces affaires. On a, par le truchement d’une réforme du code électoral, mis en place une inéligibilité tirée de ces condamnations. C’est-à-dire l’impossibilité de s’inscrire sur les listes électorales. Ce sont ces genres de micmacs politiques conjoncturels qui créent des situations auxquelles il faille trouver une solution même si nous avons une jurisprudence des droits de l’homme qui dit clairement que la perte des droits civils et politiques ne doit pas être perpétuelle. Autant pour une condamnation pénale, elle est temporaire et peut faire l’objet de révision, tout comme une condamnation à perpétuité. »