Thierno Thioune : «NOUS RECOMMANDONS AUX AUTORITÉS DE S’ATTAQUER AUX CAUSES STRUCTURELLES»
https://www.sudquotidien.sn/ Thierno Thioune, économiste et maitre de conférences titulaire, estime que l’Etat sénégalais doit aller en profondeur pour s’attaquer à la racine du mal.
L’économiste et directeur du Centre de recherches économiques appliquées à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Thierno Thioune salue la concertation sur la cherté de la vie ayant abouti aux 17 directives. Toutefois, il conseille à l’Etat de s’attaquer à la racine du mal.
L’économiste et maître de conférences titulaires estime que l’Etat sénégalais doit aller en profondeur pour s’attaquer à la racine du mal.
Fort de ces considérations et pour venir à bout de la cherté de la vie et cela de manière durable, «nous recommandons aux autorités de s’attaquer aux causes structurelles de la cherté de la vie à travers, d’une part, la correction des insuffisances de la concurrence et le problème de la compétitivité ». Et d’autre part, explique-t-il «de relever les défis liés à la concentration des entreprises dans certains secteurs, prendre en compte certaines spécificités des oligopoles, identifier les facteurs favorisant les ententes et la concurrence monopolistique dans le secteur du ciment notamment et renforcer la compétitivité-prix insuffisante des entreprises».
Également, «les pouvoirs publics ont beaucoup intérêt à régler les causes socioculturelles par la lutte contre les inégalités sociales et les luttes pour le partage de la valeur ajoutée». Donc, selon lui : «ajuster le triangle composé par ces trois mécanismes propagateurs identifiés que sont l’indexation automatique des salaires sur les prix, la répercussion automatique des hausses de coût sur les prix et les anticipations inflationnistes des agents économiques pour éviter de faire tomber l’ensemble des efforts consentis dans le triangle des Bermudes de l’inefficience collective».
L’amélioration du pouvoir d’achat qui devrait en découler et pouvant être considérée outre mesure comme bien public est défini… comme fait d’Etat, lequel (comme dans les deux cas de base «contrainte» et « échange ») est aussi un «producteur d’institution » (de 17 directives) apte à lutter contre la cherté de la vie. Les Trois (03) semaines à venir nous édifieront.
Mais en attendant «est-il vrai que l’optique Etat-centre de décision n’est pas en soi mauvaise, puisqu’après tout il faut bien que les problèmes des actions à mener soient posés, au niveau gouvernemental, en termes de décision (de directives, de mesures à prendre) », s’est interrogé le professeur Thioune. «Mais faut-il pour autant accepter les opinions selon lesquelles l’Etat est le seul sujet réel de la pratique, ni à l’inverse le moyen, l’instrument d’une pratique conçue comme d’intérêt général ou commun. Nous ne le pensons pas car la théorie de l’Etat et de l’intervention économique d’Etat ne doivent en aucun cas s’identifier à la technique de prise de décision, ni à la description (même comptable) de ses effets dans la logique du «décideur».
Sinon, on en arrive à de véritables absurdités. Nous n’avions jamais assez cessé de dénoncer la personnalisation de l’Etat. Par exemple, faire de l’Etat un producteur d’institutions, de contrôles, de contraintes, de croissance économique, et de services» les plus divers…. au lieu qu’il soit perçu comme sujet collectif, interpelant tout le monde, de tous les acteurs constitués en classes et couches sociales. Loin d’un euphémisme, l’Etat en sera le produit de leurs rapports ; la vie de l’Etat et ses institutions ne devraient en fait qu’en refléter ces rapports, indépendamment de la conscience qu’en ont les «responsables des pouvoirs publics».
De fait, dans ces rapports, l’Etat devient agent, moyen si l’on veut, de transformations nouvelles, par son interventionnisme dont le contenu économique de l’intervention d’Etat, sera vu principalement à travers le prélèvement de ressources, suivi d’une création de certains «biens» dits publics, et d’une redistribution de ces ressources entre les agents privés, en particulier les centres de production et les consommateurs (les 17 directives a priori en ont l’ambition).
S’y ajoutent les contrôles qui les accompagnent (notamment le recrutement de 1000 jeunes bénévoles) ont un aspect incitatoire (ils agissent sur les comportements privés), et ont un effet régulateur. Tout ceci n’est pas mal, dira l’économiste mais « nous préconisons d’aller au-delà : car c’est bien dans le mode social (complexe et complexifié) sénégalais de création et de répartition des ressources que devrait intervenir l’Etat ». C’est sous cet angle fondamental que « nous mettons dans le panier de la contribution le nécessaire besoin de s’interroger sur le caractère de soutien de l’accumulation monopoliste et d’exploiteur collectif propre au privé sénégalais », dira-t-il.
Pour ce faire, il conseille ceci : «Nous donnons deux pistes pour cela. Il s’agit de s’interroger sur les transferts et incitations dans le cadre de l’accumulation monopoliste, de favoriser, mais non sans limites, la régularisation des conditions d’obtention du profit monopoliste et de la reproduction élargie du capital monopoliste et d’initier la normalisation de l’activité socioéconomique dans son ensemble, et notamment des conditions de travail et du niveau de vie ». Jean Pierre MALOU